Motion de rejet en séance publique du 30 mai 2018

Motion de rejet en séance publique du 30 mai 2018

30 mai 2018 Non classé 0

« Madame la Présidente,

Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs les rapporteurs, 

Madame et Monsieur les Présidents de commissions,

Mes chers collègues,

Nous voici réunis aujourd’hui pour discuter du projet de loi ayant pour titre « évolution du logement, de l’aménagement et du numérique ». 

La volonté affichée, rappelée dans l’exposé des motifs, vise à « construire plus, mieux et moins cher ». 

Sur le papier, tout semble coller.

Mais la réalité du terrain est tout autre. 

Tant de sans-abris et tant de mal logés : 3,5 Millions en France. 

Il est difficile de se loger, de bien se loger dans notre pays. 

Les fractures territoriales existent et risquent de s’aggraver avec votre politique. 

Messieurs les ministres, votre projet de loi ne répond pas aux attentes. Il n’est pas à la hauteur des enjeux. Il est décevant. 

Il en va pourtant de l’avenir de la France périphérique, il en va de la Cohésion de la Nation et de l’Unité de la République.

Votre ministère s’intitule pourtant « Cohésion des territoires ». 

Et si l’évolution annoncée du nouveau monde n’était que recul… Des propriétaires méprisés, des maires mis hors-jeu, des territoires oubliés… 

Les objectifs que vous énoncez, Messieurs les Ministres, semblent louables et nous y souscrivons.

Mais force est de constater que ce projet risque de ne pas y répondre. 

Peu de mesures permettront de répondre durablement aux grandes priorités énoncées par le gouvernement. 

Pire il ne fait qu’essayer de corriger le tir après les premières mesures dommageables du quinquennat pour le secteur du logement.

Votre gouvernement a profondément mis à mal la dynamique du logement en France, dès son premier budget voté fin 2017.

En effet, le PLF 2018 contenait des mesures désastreuses :

  • la quasi-suppression de l’APL accession juste maintenue deux ans pour l’habitat ancien en zone détendue. 
  • La restriction du dispositif Pinel aux seules zones tendues, 
  • Le refus de prolonger le PTZ au-delà de 2020 dans les zones détendues, 
  • La capacité d’autofinancement des acteurs HLM fragilisée alors qu’ils sont les principaux donneurs d’ordre dans les territoires déjà délaissés des investisseurs privés. Les ventes en blocs ont d’ailleurs baissé de 19,3% au 1er trimestre 2018 par rapport au 1er trimestre 2017.

Les dégâts se font en effet déjà sentir :

Plus que les mises en chantier qui reflètent le dynamisme passé avec le décalage inhérent entre la commercialisation et la phase de travaux, il serait plus pertinent de regarder les indicateurs d’avenirs. 

Or les réservations de logements neufs s’inscrivent en retrait de 10,2% par rapport au 1er trimestre 2017, -30% dans ma région du grand est. Ce chiffre atteint même -42% pour les investisseurs privés.  

La baisse de la quotité finançable du PTZ dans les zones détendues de 40 à 20% a déjà généré un recul de 17% pour le marché des maisons individuelles au 1er trimestre 2018 par rapport au 1er trimestre 2017. 

En secteur diffus, le recul atteint même 18,7%. 

Nous risquons, mes chers collègues, un véritable « trou d’air » dans la production de logements à horizon 2020.

Avec la suppression de l’APL accession, la plupart des candidats à l’accession n’auront d’autres choix que de rester locataires. 

 Or La majorité a fait un mauvais calcul. En effet, il revient beaucoup plus cher à l’Etat de maintenir un ménage dans son statut de locataire, en lui versant l’APL pendant des dizaines d’années, que de l’encourager à devenir propriétaire, avec une APL accession qui s’éteindra une fois le prêt remboursé. 

On peut même ajouter les pertes fiscales de TVA sur les logements neufs non financées et les droits de mutation dans l’ancien. 

Les indicateurs sont au rouge pour 2018 avec des transactions dans le parc existant en baisse et des crédits immobiliers aussi en baisse.

Qu’en sera-t-il si les taux augmentent ?

Vous voulez construire plus mais vous prenez le chemin inverse avec les mesures que vous proposez.

Messieurs les Ministres, après avoir perdu la bataille budgétaire de 2017, vous nous avez conviés à la conférence de consensus sur le logement, à l’initiative du Sénat, dans le but de désamorcer la gronde légitime face à la brutalité de ces mesures. 

Vus les résultats, j’en viens à penser que nous n’avons visiblement pas la même notion du « consensus ».

Les Français ont cru en 2017 que la majorité porterait une autre manière de faire de la politique, en prenant les bonnes idées de droite et de gauche, en étant ouverte à la co-construction. La conférence de « consensus » pouvait s’inscrire dans cette philosophie. 

Hélas ce n’est pas le cas. Je veux dénoncer les faux semblants de la concertation. 

Malgré toute la théâtralisation du consensus, la réalité est autre. Vous n’avez retenu que fort peu d’amendements des minorités, alors que pourtant ils vous semblaient intéressants pour certains. 

Pire, vous avez donné l’apparence que vous seriez prêts à les retravailler. 

Monsieur le Ministre DENORMANDIE, vous m’aviez ainsi indiqué en commission le 17 mai dernier : « Mes équipes tiendront des réunions de travail à ce sujet. Je propose qu’elles reviennent vers vous pour vous dire quels sont les ajouts et les modifications à porter à ces amendements. Vous pourrez les redéposer ensuite ».  

Il semble que le week-end de Pentecôte a dû vous porter conseil, l’esprit jupitérien a dû souffler. Pas de son, pas d’image depuis. 

Et puis, mercredi dernier, une journaliste me pose la question suivante : « Monsieur BAZIN, quelles seront vos demandes auprès des Ministres à la réunion de demain ». 

Surpris, je lui réponds « quelle réunion ? je n’ai pas été invité, c’est sûrement une réunion de la majorité ».

 Elle me précise que « Messieurs PEU et PUPPONI sont invités ».

 Etonnant, non ? La presse a depuis fait état de cette réunion où la principale minorité n’a pas été invitée. Voilà la réalité : nous avons été exclus de cette réflexion. 

Vous savez, Messieurs les Ministres, il y a aussi des quartiers prioritaires hors d’Ile de France.

Même en Lorraine, dans ma circonscription, j’ai des quartiers sensibles à Tomblaine et Lunéville.

Je suis profondément déçu, je vous avais cru sincère dans votre volonté de travailler ensemble. Où est la co-construction ? Faut-il comprendre qu’elle ne se fait qu’avec un côté de l’hémicycle ?

Et que dire du traitement infligé à Jean-Louis BORLOO, chargé par le Président MACRON d’un rapport sur les banlieues. Après des semaines de travail intense sur un sujet qu’il connait bien, il rend un rapport dont la qualité est saluée par tous. Rapport méprisé ensuite par le même Président MACRON. 

Il y a comme un décalage entre les moyens et les ambitions affichées. C’est à se demander si nous ne sommes-nous pas tous victimes de publicité mensongère ? 

LA REPUBLIQUE EN MARCHE n’a peut-être pas le monopole des bonnes idées. 

Certes il y a eu un réel effort de levée de certains blocages opérationnels comme les recours abusifs, ou la lutte contre les marchands de sommeil. 

Mais si la majorité faisait fausse route sur les quartiers et la ruralité ? Les banlieues restent en plan. 

Force est de constater que le texte ne tient compte qu’à la marge des alertes de nombreuses parties prenantes, comme l’association des maires ou l’ordre des architectes… peut-on bâtir une politique efficace sans eux ?

L’aménagement équitable du territoire exige de n’exclure personne, de n’oublier personne. Dommage que le consensus n’ait été qu’une façade. 

Certes, il y a dans ce texte la volonté d’une réforme du logement social. 

Mais elle peut conduire à détourner encore davantage les opérateurs de leur mission première qui est de loger ceux en difficultés. 

Pire, elle risque d’éloigner les acteurs du territoire avec des seuils déconnectés des réalités locales. Ce qui est le cas de ce seuil invraisemblable de 15 000 logements que vous imposez aux organismes HLM pour se regrouper ! L’Ile de France n’est pas la France !

Beaucoup en appellent à la mixité sociale, et c’est bien mais il y a un problème de marqueur. Nous devrions plutôt regarder, mes chers collègues, la part de population aidée dans les territoires, plutôt que la part des logements aidés qui peuvent accueillir des occupants non aidés. 

Ainsi le taux d’APLisés chez les bailleurs sociaux dans les zones détendues peut avoisiner le double de celui dans certaines métropoles. 

L’impact des restructurations imposées peut alors avoir des effets beaucoup plus néfastes dans les zones détendues. 

Messieurs les Ministres, vous ne prenez pas en compte la réalité des territoires. 

Vous semblez déconnectés. Ne prétendez pas alors « protéger et libérer », car votre politique va aboutir à l’inverse. Vous obligez les OPH à prendre des mesures pour survivre.

 Ces mesures sont-elles toutes judicieuses ?

Vous invitez en particulier les bailleurs à vendre. 

Votre objectif premier n’est pas de permettre à des locataires de devenir propriétaires, mais bien de générer des recettes aux bailleurs afin qu’ils puissent investir. 

Car vos mesures du PLF 2018 vont aboutir à l’anéantissement de leur capacité d’autofinancement. 

Vous prenez ainsi le risque de générer des copropriétés en difficulté. 

Or il y a peu de candidats à l’accession car ils n’en ont pas la capacité. Voilà le sujet structurel qui devrait vous occuper. 

Vous refusez d’adapter la loi SRU, vous inscrivant là aussi dans la continuité du gouvernement précédent. Il faudrait pourtant entendre le retour du terrain et des externalités produites. 

Le parcours logement ne fonctionne plus. Il s’arrête pour beaucoup aux HLM. 

Plus grave, nous observons une paupérisation croissante dans certains quartiers, et parfois une radicalisation très inquiétante avec la montée du salafisme. 

La maîtrise du peuplement s’y avère essentielle. Il faut en parler. 

On ne peut pas évacuer ce débat essentiel pour l’unité de la Nation. Tout est lié.

Le Président MACRON aimerait que les jeunes puissent quitter les quartiers. 

Au contraire, leur aspiration pour beaucoup est de pouvoir mieux y vivre, d’y prospérer. C’est leur village, leur cité. 

Il est de notre devoir, il est de notre responsabilité que la République n’abandonne aucune parcelle de son territoire, aucun quartier, aucune zone rurale, aucun DOM-TOM.

Pour réussir la politique du logement, vous ne devriez pas mettre les maires hors-jeu. 

Votre projet prévoit de les exclure :

  • En transférant la compétence de délivrance des permis au président de l’intercommunalité pour les grandes opérations d’urbanisme. 
  • En transférant la police de l’habitat indigne au président de l’intercommunauté. 
  • En généralisant le système de cotation pour les organismes de logements aidés, ce qui va priver les maires de la possibilité de loger des habitants de la commune, ou d’assurer une vraie mixité sociale. 

Les maires sont pourtant les premiers garants de la cohésion sociale de leur ville. 

Faites-leur confiance. Respectez-les. 

Ils ont la légitimité pour porter durant leur mandat un projet de territoire, territoire qu’ils connaissement parfaitement.

Vous faites le choix d’une forme de recentralisation de l’aménagement, ce qui risque d’entraîner une insécurité politico-juridique croissante des opérations et un mal-être profond sur les territoires.

Les attentes étaient fortes, et à la lecture de ce projet de loi, la déception est grande. 

Aucun élan pour un aménagement équilibré de notre territoire. 

Certes, il y a des mesures pour les territoires bien portants. Mais rien ou si peu pour 95% du territoire français. Il y a beaucoup d’oubliés dans votre projet de loi. C’est profondément injuste.

Certes, il y a des dispositifs intéressants pour faciliter des opérations publiques dans quelques territoires. 

Mais aucun moyen financier ou fiscal pour soutenir les investissements privés tant attendus. 

La revitalisation des centres-bourgs ne pourra se faire sans les investisseurs privés. 

Mais vous ne prévoyez aucune incitation. 

Les anciens chefs-lieux de canton sont oubliés.

Votre projet de loi n’est pas à la hauteur des enjeux, ni dans son périmètre géographique, ni dans son périmètre financier. 

Le choc promis d’offre foncière est finalement limité, réservé aux zones très tendues, privilégiées. 

En l’attendant, vous auriez pu maintenir les mesures en faveur de la demande sur L’ENSEMBLE du territoire. 

Vous ne prévoyez aucune disposition pour permettre de créer les conditions d’un choc d’offre sur le reste du territoire, ce qui aurait permis de compenser les effets de l’hyper-métropolisation. 

Votre projet souffre d’une absence d’outils opérationnels adaptés au développement de TOUS les territoires. Finalement, vous dessinez encore davantage une France à plusieurs vitesses. 

Certes, il y a la volonté d’accompagner la mobilité. 

Mais ce projet de loi ne porte aucune ambition nouvelle pour les millions de Français qui habitent déjà un logement, qui souhaiteraient le rénover, le rendre accessible, l’adapter au vieillissement. 

Vous portez une vision qui promeut la mobilité. Mais quelle considération portez-vous pour ceux qui sont fidèles à leur territoire ? 

Tout le monde ne rêve pas de quitter sa commune ou son quartier pour rejoindre Paris et y devenir un golden-boy dans une banque d’affaires. 

Il existe des jeunes Français qui rêvent de revenir dans leur territoire de cœur après leurs études afin d’y travailler et d’y fonder une famille. 

Les enracinés méritent tout autant le respect. Ils aiment leur territoire. Ils lui sont fidèles. 

Ces Français, mes chers collègues, sont plus nombreux que le pense le président de la République et heureusement !

Messieurs les Ministres, vous ne faites pas référence aux maisons individuelles ou si peu. 

Est-ce qu’elles appartiennent selon vous à l’ancien monde ? 

Pourtant tant de Français y vivent aujourd’hui, tant de jeunes rêvent demain d’y vivre. 

Quel avenir imaginez-vous pour les logements dans nos villages ?

Cette loi est surtout sans incitation pour les propriétaires qui doivent rénover énergétiquement leur logement, 

sans incitation pour les investisseurs privés afin de leur permettre de  prendre des risques dans les centres bourgs souffrant de désertification commerciale. 

Tous les territoires aspirent à un élan, à une dynamique. 

Tous les territoires ont droit à des logements vertueux. 

Tous les territoires espèrent de l’habitat adapté pour tous. 

Ce projet de loi étant une occasion manquée, il appartiendra au projet de loi de finances 2019 de prévoir les dispositifs indispensables pour encourager en profondeur non seulement la construction mais surtout la rénovation de logements partout et pour tous. 

Ce projet de loi concentre beaucoup d’efforts sur la restructuration du logement social, je ne suis pas sûr qu’on puisse le qualifier de loi logement vu la place laissée au privé.

Ce projet de loi ressemble à un catalogue sans produit pour les propriétaires privés. 

Pire certaines mesures peuvent les inquiéter.

Votre projet prévoit de rallonger les procédures de réquisitions, ce qui s’apparente à une atteinte au droit de propriété. 

Votre projet prévoit de rallonger les délais de la procédure d’expulsion, ce qui ne va pas rassurer les propriétaires. 

La remontée automatique des données contenues dans les baux apparaît bien intrusive et va à l’encontre des libertés individuelles, du bailleur comme du locataire. 

La numérisation totale des baux va inquiéter certains propriétaires, âgés ou peu à l’aise avec les nouvelles technologies, et ne va guère les inciter à mettre leurs biens en location. 

La tendance centralisatrice de votre gouvernement se traduit dans ce projet de loi par un risque d’étatisation de la relation locative. 

L’Etat se voudrait un super agent immobilier collecteur de données, avec le bail numérique. 

Messieurs les Ministres, les données sont déjà collectées par un observatoire indépendant, créé par les propriétaires et les professionnels. Il s’agit de CLAMEUR. 

La majorité n’aime pas la pierre. Le président MACRON pense que l’argent ne travaille que dans les actions. Il suffit d’évoquer l’IFI. 

Loin d’être une rente à taxer, l’immobilier est d’abord une industrie créatrice de valeur, génératrice de recettes fiscales et d’emplois non délocalisables. 

Le gisement de croissance et d’emploi est là : ne l’épuisons pas, exploitons-le. 

Le grand oublié est le consommateur final. Quel est son intérêt à acheter ?

La presse s’est faite l’écho mi-mai de l’intention du 1er Ministre de déplafonner les droits de mutation de 4,5 à 4,7%. 

Cela va à rebours des promesses d’allègement de la fiscalité. 

Cela va d’ailleurs à l’opposé des scenarii préconisés par le rapport RICHARD-BUR sur la réforme de la fiscalité locale. 

EN MARCHE ne ménage pas la fiscalité immobilière. 

Qu’il s’agisse de fiscalité ou du fonctionnement locatif, les propriétaires sont maltraités par cette majorité qui ne revient pas sur les dernières lois iniques. 

Et nous assistons à un nouveau reniement des engagements du candidat MACRON qui s’était pourtant prononcé contre la mise en place de l’encadrement des loyers le 28 novembre 2016. 

L’expérience a déjà été menée à Paris et à Lille, remise en cause d’ailleurs par les tribunaux administratifs. 

Cette mesure est inutile car il existe déjà, dans les zones tendues, un plafonnement des loyers à la relocation.

Il convient de se cantonner à l’Indice de Révision des Loyers, sauf dérogations particulières. 

Sinon vous n’encouragez pas les propriétaires à mettre leur bien sur le marché.

Certes le bail mobilité apparaît comme une avancée pour la liberté contractuelle mais elle est bien timorée. 

Messieurs les Ministres, vous ne répondez pas à la demande forte d’assouplissement des relations propriétaires-locataires. 

Il faudrait pouvoir adapter le loyer en fonction de l’équipement fourni. 

Ce bail mobilité risque de toucher un public très faible et surtout de convaincre très peu de propriétaires car vous refusez le dépôt de garantie en cas de détériorations locatives. 

Monsieur le Ministre Denormandie, vous avez lancé un appel aux propriétaires. 

Vous avez affirmé prendre des mesures fortes. Permettez-moi d’en douter. 

Vous avez affirmé qu’il existe des solutions pour lever les réticences des propriétaires à mettre leur bien en location. Elles existent ces solutions mais vous ne les envisagez pas. 

Si les propriétaires n’ont pas confiance, la crise du logement continuera. 

Et si votre stratégie n’était pas la bonne ? 

Vous faites le pari de tout miser sur les zones tendues où le foncier est cher et peu mobilisable. 

Et si les fonds publics pouvaient être mieux utilisés ?

Monsieur le Ministre MEZARD, vous, avez évoqué – je cite – « une offre de logements inadaptés dans les villes moyennes ». 

On peut s’interroger comment vous allez faciliter une offre de production de logements en zone C. 

Vous voulez construire plus, mais pas dans tous les territoires !

Même les villes retenues dans le dispositif cœur de ville – dispositif que nous saluons –espèrent une offre de logements plus adaptés, des logements privés et des logements sociaux. 

Prenons Lunéville, classée en zone C, ce qui la disqualifie pour le dispositif Pinel, ce qui empêche les candidats à l’accession de bénéficier d’un prêt à taux zéro efficace à hauteur de 40% de la quotité finançable ? 

A Lunéville encore, là où aujourd’hui l’OPH représente le principal donneur d’ordres, près de 40%, les investissements sont gelés puisque les mesures prises l’automne dernier sur les APL ont réduit drastiquement sa capacité d’autofinancement. 

Comment, Messieurs les Ministres, des constructions de logements pourront voir le jour dans ces conditions ? 

Ce plan cœur de ville risque de s’avérer bien insuffisant. Car la revitalisation des centres villes ne peut pas se décréter. Il faut de la volonté et la conjuguer avec des moyens. 

Le plan cœur de ville ne peut être l’alpha et l’oméga de la politique d’aménagement du territoire. Qu’est-il prévu pour les villes moyennes non retenues au plan cœur de ville ? 

Il y a un vivier de 600 communes et les 2/3 sont passées à la trappe.

Le plan cœur de quartier annoncé par le Président MACRON à hauteur de 10 milliards semble illusoire puisque l’Etat n’a prévu d’y contribuer qu’à hauteur d’1 milliard d’euros. 

2 Milliards devraient être amenés par les SA d’HLM et les OPH… qui sont exsangues aujourd’hui. 

Le plan, nous pouvons tous le concéder, a déjà du plomb dans l’aile. 

Question majeure, Messieurs les Ministres : quel avenir proposez-vous aux habitants des territoires de la France périphérique ? 

Les ¾ des catégories populaires françaises vivent dans cette France « périphérique ». 

Messieurs les Ministres, n’oubliez pas ces millions de Français qui n’habitent pas les cœurs des métropoles. 

Cette France, ces territoires où l’Etat n’investit plus. 

Ces millions de Français ont aussi le droit d’accéder à la propriété. 

Ces millions de français ont aussi droit à rénover leur logement, de sortir de la précarité énergétique. 

Quels moyens budgétaires et fiscaux prévoyez-vous pour joindre la parole aux actes ? 

Votre slogan, Messieurs les Ministres, « construire plus, mieux et moins cher » semble bien incomplet.

 Je vous en propose un autre « rénover d’abord, utiliser mieux, et aménager équitablement ». 

Vous auriez dû encourager en priorité une mobilisation ambitieuse du foncier disponible sur l’ensemble des territoires. 

Cela passe par une réelle réforme de la fiscalité foncière permettant de mobiliser plus largement le foncier, j’insiste, sur l’ensemble du territoire. 

Car nous ne pouvons que nous inquiéter de cette concentration de moyens sur quelques territoires ciblés. 

Vous pouvez nous l’avouer : le gouvernement a fait et fait un choix politique fort : orienter sa politique du logement sur les métropoles. 

Nous contestons cette priorité. 

Cet abandon de la ruralité, cet abandon des banlieues vont porter préjudice à la cohésion sociale, déjà bien malmenée. 

Ce projet de loi donne surtout l’impression d’un Etat qui poursuit son désengagement, son abandon, sa résignation à aménager le territoire. 

En amour, les preuves comptent. Vous dites vouloir enrayer l’affaiblissement des centres bourgs, alors prouvez le en soutenant fiscalement et financièrement la rénovation des commerces et de l’habitat.

Vous faites tout le contraire avec l’effondrement des crédits du fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC).

Je regrette l’absence de stratégie volontariste. Il faudrait s’atteler aux enjeux structurels comme le coût d’implantation en centre-ville. 

Vous pourriez moduler les aides de l’Etat en fonction des critères d’aménagement du territoire.

Vous pourriez envisager des aides d’Etat pour le maintien d’installations critiques telles que le distributeur de billets ou la station-service. 

Vous pourriez moduler la TVA sur le logement neuf en fonction des revenus pour repartir des besoins des ménages. 

Car la capacité d’acquisition des ménages a été bien fragilisée par la politique fiscale menée par le gouvernement : ne citons ici que la baisse de la prestation d’accueil du jeune enfant pour le foyer ayant 2 SMIC ou l’augmentation des taxes sur les carburants pour ceux qui ont besoin de leur véhicule pour aller travailler. 

Le Président MACRON a au moins repris une idée que nous avions portée pendant la dernière campagne présidentielle : la création d’une agence nationale pour la cohésion des territoires. Mais cela ne suffit pas. L’important est de lui donner les moyens et surtout de l’assortir d’un moratoire sur la fermeture de certains services publics dans les quartiers et en milieu rural. 

Le vide de ce projet de loi sur l’aménagement du territoire est sidéral !

J’en appelle au retour d’un Etat stratège et régulateur.

Le rôle de l’Etat est de créer les conditions pour faciliter et inciter le développement économique partout en France. Des conditions pérennes. 

Le rôle de l’Etat est de s’occuper des territoires qui ont besoin de lui. 

Il lui appartient non seulement d’éviter la sur-densification dans les zones tendues, mais aussi d’éviter la désertification.

J’en appelle à une politique vigoureuse pour lutter contre les fractures territoriales, ce qui n’est possible qu’à condition d’en avoir les moyens. 

Vous ne tirez pas les leçons du passé. Votre logique mène à privilégier la quantité de logements au détriment de leur qualité, sans tenir compte des nuisances liées à la proximité, en concentrant les populations. 

Vous ne nous conduisez pas au nouveau monde mais bien à un retour à la « crise des grands ensembles » des années 1970.

Messieurs les Ministres, vous avez surtout oublié l’essentiel.

Vous avez oublié les Français, ce qu’ils attendent.

Vous avez oublié leur aspiration au bonheur, leur aspiration à un cadre de vie agréable, leur aspiration à être propriétaire de leur logement après une vie de labeur.

Les Français espèrent des constructions à taille humaine, et non un élan au « bétonnage ».

La qualité de vie est importante. Bénéficier d’espaces extérieurs privatifs est essentiel. Nous avons tous besoin d’intimité. 

Des surfaces limitées sont un frein pour fonder une famille, un frein pour une vie sociale du fait d’une capacité d’accueil restreinte. 

Il faudrait revenir aux attentes des Français. Ils regrettent la concentration de logements, la surdensité au détriment de la qualité de vie. 

Certes, il y a des annonces de simplification, d’allègement de normes. 

Mais certaines posent question comme la limitation de l’obligation de logements accessibles pour 10% seulement des immeubles collectifs, 

ou comme le bonus de constructibilité de 30% 

ou l’allègement des règles de stationnement en cas de transformations de bureaux en logements. 

Comment le quartier vivra demain ?

Vous allez fragilisé les maires dans leur rapport de force en affaiblissant l’avis de l’Architecte des Bâtiments de France.

Une démarche de co-construction positive à la recherche de solutions aurait été préférable. 

Vous manquez l’opportunité de passer en mode urbanisme de projet de vie.

La révision non ajustée de la loi Littoral suscite aussi des inquiétudes légitimes. 

Les Français sont attachés au patrimoine, à l’architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant. 

Les Français espèrent de l’ordre, de la tranquillité dans leurs quartiers. 

Vous utilisez beaucoup de mots pour remettre la République dans le cœur des quartiers. 

Mais les mots ne suffisent pas. Les Français, dans les quartiers, ont des problèmes concrets. 

Il faut apporter des solutions pragmatiques. Vous ne le faites pas. 

Pourquoi avoir refusé d’autoriser les bailleurs à utiliser la vidéo-protection dans leurs parties communes afin de lutter contre l’occupation illégale des parties communes ?

Il faut pourtant pouvoir prouver le délit d’entrave. 

Nous aurions pu aider nos forces de l’ordre sur ce point. 

Pourquoi avoir refusé de lutter contre les squats abusifs ? 

Nous encourrons le risque d’une explosion des banlieues. Je le dis avec la plus grande fermeté. 

Beaucoup de nos concitoyens qui y vivent se sentent abandonnés par notre République et ses élites. 

Ce projet de loi risque d’être une occasion manquée. 

Vous auriez pu porter un projet populaire visant à permettre l’évolution du logement pour le plus grand nombre.

La question cruciale en matière de logement, complètement omise dans votre stratégie, renvoie à l’incapacité financière des ménages à accéder à la propriété, à rénover leur logement. 

Or avec l’augmentation du coût de l’énergie à venir, due aux politiques que vous menez, le pouvoir d’achat des ménages va encore se dégrader.

Or l’acquisition ou la rénovation a un impact positif sur tout le secteur de l’artisanat et du bâtiment, et pas seulement celui des zones tendues. 

Je veux ici rendre hommage à tous les artisans, entrepreneurs, salariés du bâtiment, qui représentent un savoir-faire essentiel si on veut réussir la construction et la rénovation de nos logements. C’est notre patrimoine qui est en jeu.

Mes chers collègues, la France vaut mieux que ce projet de loi décevant, sans élan pour le logement, l’aménagement et le numérique. 

Nous ne pouvons pas nous résoudre à ce que l’aménagement du territoire demeure le parent pauvre des politiques publiques de ce gouvernement.

Au lieu de résoudre les fractures territoriales, ce projet assume de les aggraver, oubliant complètement les zones détendues, soit 95% du territoire français.

Au lieu de considérer les maires comme des interlocuteurs légitimes pour porter des projets de territoire, ce projet de loi les méprise et les prive de leurs compétences.

Au lieu de conforter et de rassurer les propriétaires, les incitant ainsi à remettre leurs biens vacants sur le marché, ce projet de loi s’inscrit dans la continuité de la politique Duflot, avec le retour de l’encadrement des loyers.

Au lieu de sortir des logiques SRU qui ont renforcé la ghettoïsation, ce projet de loi trahit l’abandon des banlieues.

Au lieu de porter une ambition pour les territoires oubliés, le gouvernement ne prend aucun engagement. Il n’y aucun moyen dans ce projet. 

Mes chers collègues, quand un projet de loi apparaît autant déconnecté des besoins des Français, il est de notre responsabilité de le rejeter et de remettre le métier sur l’ouvrage. 

Car il faut réformer et surtout agir pour un aménagement équitable de la France !

Mes chers collègues, de tous les bancs, je vous exhorte à voter cette motion de rejet de ce projet de loi sans l’élan tant attendu par les Français, je vous invite à rejeter ce projet de loi sans élan pour nos territoires oubliés de la République. 

Parce qu’il ne répond pas aux attentes des Français,

Parce qu’il ne s’occupe que des territoires bien portants, 

Parce qu’il sacrifie et entérine la fragilisation des bailleurs sociaux,

Parce qu’il ne porte pas l’ambition de faciliter l’accès à la propriété,

Parce qu’il ne prévoit pas les moyens de ramener l’ordre républicain dans les quartiers,

Parce qu’il va sacrifier la qualité de vie par la sur-densification, dégradant le cadre de vie,

Parce qu’il ne répond pas à l’enjeu de l’adaptation au vieillissement de la population,

Je vous invite mes chers collègues à rejeter de projet de loi. »

 

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