Revalorisation des loyers
Retrouvez ci-dessous la vidéo de mon intervention à la tribune de l’hémicycle de l’Assemblée Nationale à l’occasion de la discussion générale de la proposition de loi visant à maintenir provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs.
« Madame la Présidente,
Madame et Monsieur les Ministres,
Monsieur le Président de Commission,
Monsieur le Rapporteur,
Mes chers collègues,
Nous nous retrouvons ce soir, un peu dans l’urgence il faut bien le dire, pour étudier la proposition de loi de notre collègue Thomas CAZENAVE qui vise à maintenir pour une année supplémentaire un dispositif de plafonnement de la revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs.
Tout d’abord, le groupe Les Républicains regrette le manque d’anticipation qui entoure ce texte et qui nous oblige à l’examiner dans la précipitation par le biais d’une procédure simplifiée.
Le gouvernement semble s’être aperçu tardivement que le plafonnement à 3,5% de la variation de ces indices, que nous avions voté dans le cadre de la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, allait s’éteindre ce 30 juin. Ce n’est pas très sérieux.
Cela étant déploré, j’en viens maintenant au fond de cette proposition de loi. Vous nous proposez concrètement de renouveler, pour une durée de douze mois, le plafonnement de la revalorisation de l’indice de référence des loyers à 3,5% alors que la hausse de l’IRL avoisine 6%. Pour ne pas tromper les Français, il convient de préciser qu’il s’agit d’un plafonnement à 3,5% non pas sur 2 ans mais qui s’applique chaque année.
Face à une inflation persistante, nous partageons l’idée que les familles et les commerçants doivent être protégés et accompagnés. Oui, il faut agir.
Nous émettons pour autant certaines réserves quant au dispositif retenu.
En effet, si votre plafonnement de la variation de l’IRL permet à première vue de protéger efficacement les locataires, il fait fi de l’inflation que subissent aussi de leur côté les bailleurs, bailleurs privés comme sociaux, petits ou gros. Loin des idées reçues, ces bailleurs peuvent aussi être des propriétaires modestes, qui mettent en location un bien durement acquis, et qui devront par ailleurs faire face à de coûteux travaux énergétiques dans les prochaines années s’ils veulent maintenir ce bien dans le parc locatif. Ils ont parfois contracté des emprunts. Le coût de la dette comme des travaux augmente. Il en va de même pour les taxes foncières. Nous ne pouvons pas le nier. Il faut aussi le prendre en compte.
Par ailleurs, au moment où notre pays est confronté à une crise du logement qui se traduit par une demande croissante de logements, à la fois quantitative et qualitative, il faut avoir conscience que ce plafonnement, qui n’est ni plus ni moins qu’une perte de recettes potentielles pour les bailleurs, va les contraindre dans leurs capacités de construction et de rénovation. Ne risque-t-on pas de pousser les bailleurs à reporter des travaux, nbotamment énergétiques, qui permettraient de baisser les charges des locataires par la suite ? Attention donc à ne pas poursuivre des objectifs contradictoires ! Ne risque-t-on pas de décourager les investisseurs dans la pierre ? Alors que si on encourage la construction et la rénovation, on augmentera l’offre de logements, ce qui diminuera la pression immobilière au bénéfice des locataires.
Il nous faut rechercher une répartition la plus juste de l’effort en veillant à ne pas trop complexifier un secteur déjà bien malmené.
Pour ce faire, nous vous proposerons un amendement visant à transformer le principe de plafonnement de la hausse de l’IRL, qui ne correspond pas à la réalité de l’inflation que subissent également les bailleurs, en un système de revalorisation des loyers s’opérant sur la moyenne de l’IRL des quatre derniers trimestres.
Ce dispositif pourrait permettre une plus juste prise en compte de l’inflation tout en préservant une mesure équilibrée et une répartition de l’effort entre bailleurs et locataires. Ce système a d’ailleurs fait ses preuves puisqu’il était en vigueur dans les années 1990.
Ensuite, il nous semble que votre texte souffre de quelques lacunes qui pourraient l’empêcher, opérationnellement, de protéger tous nos petits commerçants. En effet, vous entendez plafonner d’une part l’Indice de référence des loyers (IRL) et d’autre part l’Indice des loyers commerciaux (ILC).
Autrement dit, vous ne faîtes pas mention de l’Indice du coût de la construction des immeubles à usage d’habitation (ICC) qui est pourtant très utilisé dans les baux commerciaux pour encadrer la revalorisation des loyers. Ne serait-il pas opportun de corriger cette omission qui pourrait entraîner de vraies inégalités de traitement et un fort sentiment d’injustice ?
Par ailleurs, en prolongeant purement et simplement le dispositif actuel, vous faites l’économie d’une évaluation des effets constatés après la mise en œuvre de ce plafonnement. Combien de logement ont été sortis du marché locatif classique ? Combien de logements ont vu leur projet de rénovation reporter ? Bien sûr l’accès au crédit joue également. Il dépend de la capacité financière des acteurs et des règles en vigueur qu’il conviendrait de modifier.
Il nous faut ajouter que si cette PPL sert de communication facile au Gouvernement et à la majorité, elle demeure muette sur plusieurs aspects importants d’accompagnement du dispositif.
Il serait par exemple intéressant de prévoir de manière corolaire des compensations de ces pertes de recettes pour les bailleurs. Cela pourrait prendre la forme de réduction d’impôts pour les bailleurs privés.
D’ailleurs, votre proposition de loi ne se prononce pas sur la perte de recettes fiscales qui seront issues de cette mesure de plafonnement.
Enfin, alors que les résultats du CNR logement, tant attendus après les reports du gouvernement, seront prochainement dévoilés, il faut que nous soyons attentifs à recherche une cohérence dans notre politique du logement. Comment est-ce que ce plafonnement va s’articuler avec les mesures qui seront retenues ? Nous n’avons pas d’éléments pour l’instant alors que c’est une question importante.
Vous l’aurez compris, le groupe Les Républicains ne s’opposera pas à cette proposition de loi pour protéger nos concitoyens face à l’inflation. Nous porterons néanmoins plusieurs amendements afin de rendre plus équitable et plus efficace ce texte qui, en l’état, nous semble imparfait, et qui, je l’espère, pourra être amélioré au cours de la navette parlementaire.
Pour conclure, accompagner les locataires comme les bailleurs face à l’inflation qui les pénalise, voilà l’objectif qui doit nous rassembler pour surmonter cette grave crise du logement. Il y a urgence à agir et il faudra d’autres mesures que celles prévues par cette proposition de loi. »