L’accélération de l’examen du projet de loi bioéthique est indécent
FIGAROVOX/TRIBUNE – Dans une tribune* au Figaro, quinze députés dénoncent la confiscation, par la majorité, de l’indispensable débat politique et parlementaire sur le projet de loi bioéthique.
Par Tribune collective
Publié le 22/07/2020 à 17:35, mis à jour le 22/07/2020 à 17:48
L’hémicyle de l’Assemblée nationale. CHRISTOPHE PETIT TESSON/AFP
La révision de la loi bioéthique programmée depuis deux ans méritait un
débat parlementaire approfondi, un débat transparent et serein, un débat sans passion et sans faux-fuyants. Avec ce projet de loi, nous touchons en effet à l’intime, à la conception de l’être humain, au corps et à la relation si complexe entre technologie, science et progrès. Nous touchons à ce qui constitue chacune et chacun d’entre nous.
débat parlementaire approfondi, un débat transparent et serein, un débat sans passion et sans faux-fuyants. Avec ce projet de loi, nous touchons en effet à l’intime, à la conception de l’être humain, au corps et à la relation si complexe entre technologie, science et progrès. Nous touchons à ce qui constitue chacune et chacun d’entre nous.
Reconnaissons-le: le débat en première lecture à l’automne dernier fut de qualité, même si un tel texte, à forte portée anthropologique, aurait mérité de ne pas être contraint par le temps.
Le gouvernement a joué le coup de force et privé les Français de débat sur un sujet pourtant fondamental.
A contrario, en deuxième lecture, la volonté du gouvernement d’aller au plus vite, son incroyable absence en commission spéciale, et un passage en séance publique en catimini lors des tous derniers jours de la session extraordinaire (entre le 27 juillet et le 1er août) et de façon «saucissonnée» entache cette révision d’un grave déni démocratique.
Non, rien ne justifiait l’empressement à inscrire ce texte dans le calendrier parlementaire estival! Alors que l’état d’urgence sanitaire est tout juste levé, que des millions de Français se trouvent dans une situation économique, sociale et personnelle extrêmement inquiétante, alors que des sujets bien plus urgents, tels que la réforme de l’assurance-chômage ou celle de notre système de retraite sont reportés sine die, le gouvernement a joué le coup de force et privé les Français de débat sur un sujet pourtant fondamental.
Il y a, disons-le, quelque chose d’indécent à vouloir satisfaire quelques intérêts purement catégoriels au moment où notre pays n’est pas sorti de la terrible crise sanitaire qui l’a frappé et où la crise économique et sociale inédite qui en est la conséquence directe va profondément bouleverser la vie de millions de nos compatriotes.
Pire, sous la pression d’une partie de la majorité, des lignes rouges remettant en cause la conception éthique qui a prévalue jusqu’à présent dans notre pays, et qui assuraient un équilibre entre les Français, ont été allégrement franchies, ceci avec une légèreté déconcertante en l’absence des membres du gouvernement censés apporter de la tempérance dans un projet de loi gouvernemental si particulier.
La gauche libertarienne a pris le pas sur la raison gouvernementale, affirmée la main sur le cœur en première lecture.
Au-delà même de l’ouverture de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes qui transforme une technique médicale en instrument social du droit à l’enfant, le don dirigé d’ovocyte pour sa conjointe aussi appelé ROPA qui avait été écarté en première lecture a été adopté par la majorité LREM. L’encadrement strict de la recherche embryonnaire a également été sacrifié sur l’autel du scientisme et de l’éthique «low cost» d’une gauche libertarienne qui a pris le pas sur la raison gouvernementale, affirmée la main sur le cœur en première lecture.
Fait révélateur de l’attitude plus qu’ambiguë de la majorité sur ce projet de loi: l’annonce par le président de l’Assemblée nationale qu’il n’y aurait pas de vote solennel sur ce texte! Se contenter d’un vote à main levée au petit matin du samedi 1er août ou durant le week-end en dit long sur l’affront fait au Parlement et à nos concitoyens…
Le gouvernement et la majorité d’En Marche portent une lourde responsabilité dans la confiscation de l’indispensable débat politique et parlementaire. Les députés macronistes ne sont pourtant pas les seuls. Trop peu de voix politiques, scientifiques et intellectuelles se font entendre actuellement pour mettre en garde les apprentis sorciers marcheurs qui nous font courir à la catastrophe éthique et sociétale.
l’abaissement des barrières éthiques opéré par le projet de loi ouvrent la porte à la GPA.
Les choses sont claires malheureusement: l’abaissement des barrières éthiques opéré par le projet de loi ouvrent la porte à la gestation pour autrui, même si les protagonistes du texte s’en défendent aujourd’hui pour tenter de sauver les apparences. Ainsi, plus qu’un simple déni de démocratie, ce triste épisode représente un basculement anthropologique majeur où le vouloir et la toute-puissance de la science dominent désormais la réalité biologique Cette fuite en avant technologique au nom d’un soi-disant progrès scientifique est la conséquence funeste de la dérive que représente la loi bioéthique telle que la majorité s’apprête à la voter ces prochains jours. Le réveil éthique et politique sera douloureux.
* Cette tribune est signée par: Pascal BRINDEAU, Député (UDI et Indépendants) de Loir-et-Cher ; Patrick HETZEL, Député (LR) du Bas-Rhin ; Annie GENEVARD, Vice-Présidente (LR) de l’Assemblée nationale ; Marc LE FUR, Vice-Président (LR) de l’Assemblée nationale ; Jean-Christophe LAGARDE, Président du groupe UDI et Indépendants ; Thibault BAZIN, Député (LR) de Meurthe-et-Moselle ; Xavier BRETON, Député (LR) de l’Ain ; Béatrice DESCAMPS, Députée (UDI et Indépendants) du Nord ; Fabien DI FILIPPO, Député (LR) de Moselle ; Olivier MARLEI, Député (LR) d’Eure-et-Loir ; Alain RAMADIER, Député (LR) de Seine-Saint-Denis ; Frédéric REISS, Député (LR) du Bas-Rhin ; Jean-Louis THIÉRIOT, Député (LR) de Seine-et-Marne ; Agnès THILL, Député (UDI et Indépendants) de l’Oise ; Nathalie BASSIRE, députée de la Réunion.