Courrier au Président de la République sur la gestion de la crise

Courrier au Président de la République sur la gestion de la crise

23 mars 2020 Non classé 0

Dans ce courrier de mon collègue Julien Aubert que j’ai co-signé, nous posons 3 questions au Président de la République :

– sur le mode de désignation et sur le fonctionnement du conseil scientifique,

– sur le non-recours par la France de la stratégie adoptée par la Corée avec un dépistage massif et un isolement des malades,

– et enfin sur l’absence d’utilisation massive de la chloroquine comme traitement contre cette maladie.

VOICI LE CONTENU DU COURRIER
« Monsieur le Président,

Nous nous permettons d’appeler votre bienveillante attention concernant la crise sanitaire actuelle que traverse notre pays, et qui est en train de se muer en crise économique d’une ampleur majeure.
Nous en sommes à une semaine de confinement, le nombre de cas positifs au Covid-19 poursuit sa croissance exponentielle, et l’engorgement des services de réanimation de nos hôpitaux s’accentue chaque jour.
Ceci nous invite inévitablement à réfléchir à la stratégie qui a été choisie dans notre pays, similaire à celles de l’Italie et de l’Espagne, pour tenter de juguler l’épidémie.

Aussi, Monsieur le Président, nous souhaiterions vous interroger sur trois points :

Premièrement, nous nous interrogeons sur le mode de fonctionnement du conseil scientifique, dont la mission est « d’éclairer la décision publique dans la gestion de la situation sanitaire liée au coronavirus ».
En effet, mercredi 18 mars, le Premier ministre déclarait à l’Élysée : « Les conseils municipaux élus au 1er tour, et dans notre pays, c’est le cas dans plus de 30000 communes sur 35000, sont évidemment élus et pourront prendre leurs fonctions. ».
Le lendemain il annonçait pourtant au Sénat que ceux-ci devaient être reportés.
Cette décision aurait été prise en se fondant « sur l’avis du président du conseil scientifique ».
Un tel revirement interroge.
Aussi, pourriez-vous nous préciser comment, quand et par qui les membres de ce conseil scientifique ont été sélectionnés, et sur quels critères ?
Parmi les infectiologues, pouvez-vous nous indiquer comment se fait la répartition entre les spécialistes d’épidémies de maladies aiguës et ceux spécialistes du traitement des épidémies d’infections chroniques (de type VIH par exemple) ?
Pourquoi le conseil scientifique n’est pas uniquement composé d’épidémiologistes et d’infectiologues ?
Surtout, pourriez-vous nous indiquer comment les décisions sont prises en son sein (unanimité, consensus, majorité) et quel est le rôle du président du conseil ?

Notre deuxième interrogation porte sur l’efficacité de la stratégie du confinement.
Face à la propagation du virus, vous avez pris la décision le lundi 16 mars de restreindre très fortement la liberté de circulation des Français, malades ou non.
Cette mesure ne fait pourtant pas l’unanimité parmi les épidémiologistes.
Le confinement n’est en effet pas de nature par lui-même à entraîner une disparition totale du virus.
Au contraire, il pourrait même créer des phénomènes de rebond de l’épidémie dès que les mesures de restriction de circulation seront levées.
Ceci d’autant plus qu’une étude publiée dans la revue The Lancet le 11 mars révèle que la durée de portage du virus pour un individu infecté est beaucoup plus longue que ce que nous croyions : 20 jours en moyenne au lieu de 14 !
Il ne vous aura par ailleurs pas échappé que le professeur Didier Raoult de l’IHU de Marseille, membre du comité scientifique Covid-19, propose des mesures différentes et un changement de stratégie : un dépistage massif et un confinement des seuls malades et des personnes avec qui ils ont été en contact.
Cette stratégie s’est révélée concluante en Corée notamment : là où nous organisions l’isolement de tous, la Corée fixait comme priorité la production massive de tests de dépistages et utilisait l’intelligence artificielle pour identifier les chaînes de transmissions possibles pour chaque cas positif.
La question est donc : pourquoi cette stratégie n’est-elle pas appliquée chez nous ?
Pourquoi ces dépistages ne peuvent être réalisés que dans quelques centres et pas largement démocratisés, alors même que le professeur Raoult affirme qu’ils ne sont pas complexes techniquement à réaliser ?
Nous souhaiterions, Monsieur le Président, que la solution du dépistage massif puisse être envisagée en urgence dans l’espoir que cette pandémie puisse être enrayée.
Le ministre des solidarités et de la santé Olivier Véran semblait amorcer samedi 21 mars un changement de pied de la part du gouvernement en matière de dépistage en déclarant : « « Lundi dernier le docteur directeur général de l’OMS a délivré ce message simple : testez, testez, testez. La France doit donc désormais suivre cette voie et se préparer à faire évoluer rapidement sa stratégie de dépistage.
L’enjeu c’est d’être en mesure de multiplier nos capacités de tests au moment où nous lèverons le confinement ».
Pourquoi avoir attendu autant alors que le professeur Raoult préconisait un dépistage massif dans une vidéo publiée le 16 mars ?
Pourquoi avoir autant tardé alors qu’en Corée, dès le 27 février, alors qu’il n’y avait encore que quatre cas sur leur territoire, les autorités demandaient à vingt laboratoires de développer un test, leur permettant ainsi deux semaines plus tard d’avoir une capacité de 20 000 tests par jour ?

La troisième interrogation que nous souhaitions porter à votre attention est celle du traitement à la chloroquine et ses dérivés, testé avec succès en Chine et en France et que les États-Unis d’Amérique ont décidé d’utiliser massivement.
Des résultats probants ont en effet été obtenus, comme l’explique le professeur Raoult : « Ceux qui n’ont pas reçu le Plaquenil [médicament à base d’hydroxychloroquine] sont encore porteurs à 90 % du virus au bout de six jours, tandis qu’ils sont 25 % à être positifs pour ceux qui ont reçu le traitement ».
Selon le professeur, s’attaquer à la charge virale est central dans la lutte contre ce virus. Le dépistage massif permettrait ainsi d’isoler les gens porteurs afin de les traiter, grâce à la chloroquine et à ses dérivés, au lieu d’attendre que des cas graves se déclarent et viennent engorger les hôpitaux.
Plutôt que d’être accueillie comme elle se doit, les résultats de l’étude du professeur Raoult ont pourtant été qualifiés par certains journalistes de « fake news », accusation par ailleurs reprise sur le site du ministère de la santé pendant quelques heures avant d’être retirée.
Il semblerait par ailleurs que l’utilisation de la chloroquine et de ses dérivés ne fasse pas consensus au sein du conseil scientifique, censé « éclairer la décision publique » : pouvez-vous nous indiquer quelle est la position majoritaire dans cette instance à ce sujet ?
Le professeur Raoult étant un spécialiste reconnu concernant les épidémies de maladies « aiguës », comme celle que nous connaissons actuellement, il ne paraîtrait pas inopportun de lui accorder une plus grande place dans ce conseil.
Rappelons en effet qu’en 2017 il figurait en première position des chercheurs européens dont les publications ont été les plus citées par la communauté scientifique internationale dans le domaine des Maladies Infectieuses.
En 2018, l’IHU Méditerranée-Marseille et ses équipes dépassent encore dans ce classement des instituts comme l’Institut Pasteur et le Collège de France.
Nous ne parvenons pas à comprendre pourquoi le Gouvernement français n’a pas pris la décision d’utiliser massivement cette arme ?
La Tunisie et le Maroc viennent également de décider de traiter leurs malades avec ces médicaments.
Serons-nous les derniers à nous décider à lutter efficacement contre la maladie ?
Pouvez-vous nous indiquer si la France dispose d’un stock suffisant de chloroquine et de ses dérivés pour pouvoir soigner nos malades ?
Nous souhaiterions que ce traitement, dont des résultats probants ont désormais été démontrés en Chine, en Corée et en France, puisse faire l’objet d’un déploiement rapide au niveau des zones actuellement sous tension.
Notre pays vit des heures sombres.
Nous avons, en tant qu’élus de la Nation, le devoir de tout faire pour sauver des vies.

Recevez, Monsieur le Président, l’expression de notre très haute considération. »

 

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