Contribution de M. Thibault BAZIN, Député de Meurthe-et-Moselle, Secrétaire de la Mission d’information sur l’adaptation de la politique familiale française aux défis de la société du XXIe siècle
Le titre de cette mission montre l’ampleur de la tâche et du défi : l’adaptation de la politique familiale française aux défis de la société du XXIe siècle.
La création de cette mission répond à un souhait fort tant la prise en compte de la famille a évolué ces dernières années, défavorablement malheureusement.
Pour moi, la famille est le socle de notre société, le « rempart » qui nous aide à traverser les étapes heureuses et malheureuses de toute vie.
Que les familles évoluent, nul ne peut le nier. On assiste à une baisse des mariages, à une augmentation des divorces et donc à une augmentation importante des familles monoparentales.
Il nous faut chercher non seulement les raisons de ces séparations mais aussi les solutions.
Les causes sont certes multiples mais il faut reconnaître que le rythme de vie imposé aux familles contemporaines est bien difficile.
Comme cela est souligné dans ce rapport, les problèmes de revenus ne sont pas seuls en cause.
Les conditions de vie sont aussi très impactantes. Le logement est un élément majeur de ces conditions de vie.
Or que constate-t-on ? Compte tenu du prix de l’immobilier, des familles sont contraintes de se loger loin des centres villes et doivent supporter de longs trajets, devenant dépendantes des transports publics (avec tous les aléas subis) ou de la voiture (ou plutôt de deux voitures bien souvent).
La taille du logement ne grandissant pas automatiquement avec la famille du fait de son coût, l’impact sur la qualité de vie se fait sentir aussi, comme la période de confinement que nous venons de traverser nous l’a montré.
Il convient donc d’aider les familles. Or l’effort consacré aux familles a évolué et nous devons constater une dégradation de celui-ci depuis 2014.
Certes Il y a une volonté indéniable d’aider les familles vulnérables, en particulier les familles monoparentales, ce qui est légitime.
Mais il ne faut pas que ce soit au détriment des autres, or c’est ce à quoi nous avons assisté.
Les baisses du plafond du quotient familial, la modulation des allocations familiales, ou encore la réforme du congé parental ont eu des effets négatifs non négligeables.
Il n’est pas là seulement question de la chute drastique de la natalité de notre pays ces dernières années mais aussi de la baisse du niveau de vie des familles.
Ce travail de sape, entamé en 2014, se poursuit avec cette nouvelle majorité : en 2020 avec la baisse de l’indemnité journalière en cas de maladie pour les mères de familles nombreuses, en 2019 avec la sous-revalorisation des plafonds de ressources, en 2018 avec la baisse de la prestation d’accueil du jeune enfant, et la sous-indexation continue des prestations familiales bien en deçà de l’inflation.
L’espoir était néanmoins possible en 2017, avec les promesses électorales du candidat Macron. N’avait-il pas promis de rehausser le plafond du quotient familial ? N’avait-il pas dit : « C’est un élément de justice d’accompagner les familles. Et raboter à la fois les allocations et le quotient a été un problème » ?
Deux échecs sont particulièrement à signaler :
- la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE), créée le 1er janvier 2015 dont le but était de favoriser le recours des pères au congé parental. L’échec est patent puisque la part des pères bénéficiaires du dispositif stagne à 3 %, alors que toutes les familles sont impactées pour la garde des enfants dans leur troisième année.
- La prime à la naissance versée, depuis 2015, après la naissance, alors que les investissements nécessaires à l’arrivée de l’enfant se font avant la naissance. Heureusement, grâce à l’opiniâtreté des Républicains, et tout particulièrement de mon collègue Gilles Lurton, il sera mis fin à cette ineptie en 2021 si sa proposition de loi, adoptée à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale, va à son terme.
Ces deux échecs montrent une méconnaissance des besoins réels des familles, mais aussi, et c’est encore plus grave, que la perception de la famille est mise à mal.
Or il est clair que cette perception, à tendance négative indéniable, ne fait que perdurer. Le débat sur la réforme des retraites en a été l’illustration. Les grandes perdantes de cette réforme étaient en effet les familles de trois enfants et plus. Quel signal donne-t-on aux familles ?
La politique familiale doit redevenir une force, un atout, une ambition pour notre pays.
Le renouvellement des générations est essentiel pour l’avenir de notre Nation. Notre système par répartition en dépend notamment. Il s’agit aussi de transmettre notre patrimoine et nos valeurs.
Les jeunes générations ont peur de l’avenir, hésitent à donner la vie, retardent leur projet de devenir parents.
Les conditions matérielles les inquiètent : logement, emploi, cadre de vie…
Il est urgent d’adapter notre politique familiale française en retrouvant l’ambition initiale.
Très concrètement, le pouvoir d’achat d’un couple qui accueille un enfant ne doit pas diminuer par rapport au couple sans enfant, à revenus du travail équivalent. Est-ce que cela doit passer par le quotient familial et/ou les allocations familiales ?
L’essentiel est de ne pas pénaliser la femme qui a fait le choix de travailler. Lorsqu’elle diminue partiellement ou totalement son activité pour assurer l’éducation des enfants, en particulier lors des premières années, elle ne doit pas voir son pouvoir d’achat diminuer. Ainsi le congé parental devrait être mieux valorisé tout comme les allocations familiales et ce, quel que soit le revenu de la femme.
Tout aussi concrètement, le besoin d’un logement plus grand – et donc plus coûteux en fonctionnement (et en fiscalité) – pour un couple avec enfants devrait être pris en compte dans les dispositifs de soutien à l’accession à la propriété. Ainsi l’APL accession et le PTZ pourraient être bonifiés pour les couples avec enfants.
Quant au thème de la bioéthique, je suis d’abord étonné, d’une part de la place que prend le projet de loi en cours de discussion dans ce rapport, et d’autre part des prises de position personnelles de la rapporteure.
L’évolution de la bioéthique n’a rien d’inéluctable et sa révision cyclique n’est pas prévue pour évoluer avec les structures familiales. La bioéthique doit sauvegarder des principes fermes que sont l’intérêt supérieur de l’enfant, la dignité de chaque personne, le respect dû au corps humain, le consentement libre et éclairé, la gratuité du don, et non les malmener.
La rapporteure considère que l’ouverture du mariage aux couples de même sexe a constitué un « progrès indéniable », que le projet de loi en cours de discussion représente « une avancée sociale majeure ». De plus, elle se « réjouit » de la solution retenue pour les couples de femmes à savoir la déclaration de reconnaissance anticipée.
Personnellement je ne partage pas ces positions. Je considère qu’un enfant a droit à avoir un père et une mère et que le recours à la pluriparentalité, aux « parents sociaux » n’est pas une panacée et n’est pas non plus « aujourd’hui indispensable » comme le présente la rapporteure. La procréation médicale assistée doit rester un recours pour les personnes rencontrant des problèmes d’infertilité et non répondre à un désir d’enfant biologiquement impossible.
Alors que le confinement nous a montré la place et le rôle central de LA famille, l’importance de la famille élargie, la souffrance de ne pouvoir se rencontrer, l’isolement de beaucoup, la difficulté des mères célibataires à affronter cette situation, il convient, plus que jamais, de faire à LA famille la place qui devrait être la sienne.
Il faut soutenir les familles car elles représentent l’avenir de la France.