Budget de la sécurité sociale pour 2023

Budget de la sécurité sociale pour 2023

20 octobre 2022 Hémicycle - santé 0

Retrouvez ci-dessous la vidéo de mon intervention à la tribune de l’hémicycle de l’Assemblée Nationale lors de la discussion générale préalable à l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 :

« Monsieur le Président / Madame la Présidente,

Madame et Messieurs les Ministres,

Madame la Rapporteur Générale,

Mes chers collègues,

Je m’exprime ici non pas en tant que co-rapporteur mais à titre personnel.

Les apparences du dossier de presse du gouvernement sont parfois trompeuses. Il y a comme un écart entre ces auto-satisfactions et la réalité des impasses budgétaires, des renoncements à réformer.

Pour ce 1er PLFSS de ce quinquennat, à l’heure où tant de défis sont à relever, vous semblez avoir manqué ce rendez-vous, avoir manqué de courage, avoir manqué de volonté. Bien sûr il y a quelques avancées que je ne nie pas.

Mais relevez-vous le défi des réformes nécessaires pour améliorer notre système en profondeur ? Non, aucune réforme structurelle.

Relevez-vous le défi de la soutenabilité financière de notre modèle de protection sociale ? Non. Les trajectoires budgétaires sont très inquiétantes.

Relevez-vous le défi d’une plus grande justice sociale en luttant contre toutes les fraudes ? On ne peut nier les avancées – vous reprenez enfin certaines de nos propositions – mais cela reste bien insuffisant avec un certain manque de volontarisme en la matière. Il faut aller plus vite et plus fort.

Relevez-vous le défi du grand âge ? Non, la grande réforme est encore reportée.

Relevez-vous le défi du rétablissement d’une politique familiale ambitieuse ? Non. Pire, vous amplifiez les rabots.

Je vous le dis avec gravité. Il est encore temps de corriger votre copie.

Car ce qui sous-tend ce projet de loi, c’est un manque criant de vision pour l’avenir de notre système de protection sociale, menacée par son endettement.

L’équilibre budgétaire de la sécurité sociale est pourtant la condition sine qua non de sa pérennité. La Cour des comptes fait le même constat dans son dernier rapport, et ce « au détriment des générations futures ».

Soutenir notre modèle de protection sociale, ce n’est donc pas laisser le déficit devenir structurel. Les projections budgétaires sont d’autant plus préoccupantes qu’elles tiennent compte de prévisions particulièrement optimistes.

A défaut de réformes structurelles notamment pour réduire le poids de la bureaucratie, le gouvernement impose des économies aux mauvais endroits.

D’abord, vous proposez d’économiser 1,1 Md€ sur les médicaments. En le faisant vous prenez le risque de pénaliser l’attractivité de la France, sa réindustrialisation et, bien plus grave encore, l’accès des patients aux médicaments.

Ensuite, vous demandez aux laboratoires d’analyses médicales, dont la mobilisation a été exemplaire lors de la crise sanitaire, d’économiser encore 250 M€. En le faisant, vous prenez le risque d’accentuer la fracture médicale dans notre pays.

En effet, la présence des laboratoires indépendants dans nos territoires permet aujourd’hui le maintien d’un réel maillage pour l’accès aux soins.

De surcroît, en imposant cette baisse sans dialogue, vous renouez avec un autoritarisme qui n’est pas sans rappeler celui dont vous aviez usé en 2017 concernant l’imagerie médicale, elle-même appelée à subir un rabot de l’ordre de 150 M€. Pourtant il s’agit là aussi d’un vecteur essentiel de prévention.

Mes chers collègues, au-delà de l’absence d’équilibre budgétaire garanti, absence critiquable dans un projet de loi de financement, ce qui se dessine à travers ce PLFSS, c’est aussi le quadruple échec du gouvernement.

Premièrement, échec à rétablir une politique familiale ambitieuse. Soutenir les familles, ce n’est pas ponctionner 2 milliards d’euros d’excédents de la branche famille. Ce n’est pas non plus réserver les aides supplémentaires aux seules familles monoparentales. Il faut donc vous reconnaître une certaine continuité : une nouvelle fois, comme depuis 5 ans, depuis 10 ans même, les familles en sont les grandes oubliées. Or la natalité a considérablement chuté depuis 10 ans alors que le désir de maternité est resté stable dans notre pays.

Deuxièmement, échec à relever le défi du grand âge qui s’inscrit dans la droite lignée des reports successifs de la loi grand âge. Il y a pourtant urgence à apporter une réponse structurelle au grand défi que constitue l’accompagnement du vieillissement de notre société.

Troisièmement, échec sur le volet de la prévention au-delà des annonces contenues dans ce projet peu articulées en termes de moyens avec les difficultés actuelles de la PMI, de la médecine scolaire, de la médecine du travail, de la médecine de premiers recours dans les territoires.

Enfin quatrièmement, échec à apporter un soutien effectif à notre système de protection sociale face à la forte inflation. Je pense particulièrement à la situation des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux. L’ONDAM révisé ne couvrirait en effet l’inflation qu’à hauteur de 60 % du besoin de compensation. Une meilleure correction pour 2022 était et demeure nécessaire pour ces établissements.

Vous l’aurez compris, il y a tant de défis non relevés, tant d’acteurs oubliés du Ségur, tant d’attentes légitimes pour mieux soutenir les familles, les personnes en situation de handicap, les aînés.

Nous fondons donc beaucoup d’espoirs dans nos débats à venir pour corriger votre projet afin d’améliorer la situation de notre pays.

Alors Monsieur le Ministre, je vous le demande instamment : ne passez pas en force précipitamment, laissez-nous le temps d’examiner l’ensemble de ce PLFSS, d’aborder dans nos propositions et ce dans le souci de l’intérêt général.

Il en va de l’avenir de notre système de sécurité sociale, de notre cohésion nationale et de notre souveraineté sanitaire. »

 

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