Habitat dégradé
Retrouvez la vidéo de mon intervention à l’occasion de la discussion générale en commission des affaires économiques du projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement le mardi 16 janvier 2024.
« Merci Monsieur le Président,
Messieurs les rapporteurs,
Mes chers collègues,
Le gouvernement a inscrit à l’ordre du jour un projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement.
Le titre semble porteur de promesses.
Mais il n’y a même pas à ce jour, à cette heure, de ministre en charge du logement. Alors que le secteur est en crise, l’exécutif ne semble pas avoir pris la mesure de la gravité de la situation et de l’urgence d’y remédier. Y en aura-t’il un nommé pour l’examen en séance prévu dès lundi prochain ? Sinon ce ne serait pas très sérieux après avoir manqué l’occasion du budget pour 2024, marqué par de nouveaux rabots sur le prêt à taux zéro et une évolution inquiétante du dispositif « ma prime rénov » faisant craindre encore moins de rénovations et des sorties massives de logements du parc locatif devant le mur calendaire de l’interdiction de location des mal classés.
Plus de 100.000 copropriétés sont identifiées comme étant en fragilité auxquelles s’ajoute un nombre de plus en plus important de copropriétaires qui ont des difficultés à payer leurs appels de fonds trimestriels, basculant en impayés de charges.
Cette situation s’est amplifiée avec les exigences de travaux de rénovation y compris énergétique, nécessitant de définir un cadre plus strict en matière d’administration des copropriétés tout en prévoyant des mesures plus protectrices à l’égard des copropriétaires.
Nous voici réunis en commission des affaires économiques pour examiner ce projet sur l’habitat dégradé.
Des mesures techniques vont dans le bon sens et nous les soutiendrons : par exemple, une définition plus large à l’article 1 des opérations de restauration immobilière.
Mais est-ce que l’ensemble de ce projet est à la hauteur des défis actuels pour le logement dégradé ?
Malheureusement non, je ne le crois pas.
En l’état actuel du projet de loi, l’ensemble apparaît insuffisant pour répondre efficacement aux objectifs d’accélération de la rénovation des copropriétés et du redressement des immeubles dégradés.
Il y a de bonnes idées mais qui peuvent s’avérer inopérantes ou presque. Ainsi l’emprunt collectif qui serait ainsi facilité par l’article 2 pose des questions. Tous les copropriétaires, même ceux qui ne veulent pas en profiter, seraient tenus de participer à l’emprunt et de participer au remboursement de l’emprunt sur plusieurs années). Comment les prêteurs et les organismes de caution vont considérer les copropriétaires qui seraient inscrits au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) ? L’Etat va-t-il apporter des garanties aux copropriétaires défaillants ? Quelles conséquences sur le cautionnement solidaire garantissant le syndicat ? Quels organismes accepteront de cautionner ce risque avéré ? avec quel surcoût ? Plus généralement, se pose la question de l’accompagnement des copropriétaires modestes ?
Concernant le financement des copropriétés, enjeu essentiel alors qu’elles doivent adopter des programmes pluriannuels de travaux, ne faut-il pas plutôt maintenir le choix entre le nouveau prêt collectif à adhésion obligatoire et les solutions existantes de prêts collectifs à adhésion individuelle ?
Toutes ces questions m’incitent à penser que le projet de loi, en l’état, n’est pas encore abouti et mériterait d’être largement précisé.
Certes plusieurs articles semblent intéressants en termes d’amélioration des procédures en vue de l’expropriation ou de la préemption quand cela se justifie. Mais se pose la question de la suite. Quels moyens pour les collectivités ou leurs opérateurs afin ensuite de rénover ces logements dégradés ? Combien d’immeubles en ruine, acquis par les collectivités, peinent déjà aujourd’hui à être réhabilités faute de moyens ? Plus compliqué encore dans les immeubles en copropriété si la collectivité devient propriétaire d’un logement dégradé… comment ensuite va-t-elle interagir au sein de la copropriété ? Après l’avoir rénové, a-t-elle vocation à conserver ce logement ou à le céder ? Pourra-t-elle le vendre à un prix de marché qui soit inférieur au montant des travaux nécessaires ? »