Audition de M. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale d’Assurance maladie

Audition de M. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale d’Assurance maladie

10 juillet 2025 Commission - santé 0

Retrouvez mon intervention en commission des affaires sociales lors de l’audition de M. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale d’Assurance maladie.

« Mes chers collègues,

Merci Monsieur le président,

Monsieur le directeur général,

Madame la directrice générale adjointe,

Monsieur l’adjoint,

Je vous remercie pour votre présence cet après-midi.

Votre présentation de presqu’une heure fait débat. Elle s’inscrit dans un contexte particulier cette année, marqué par la publication de l’avis du comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie et du déclenchement des mesures de correction auquel vos services ont d’ailleurs contribué en proposant, comme le prévoient les dispositions légales, une série de mesures correctrices afin de tenir la trajectoire fixée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.  Vous me permettrez donc de déborder légèrement du champ de votre rapport stricto sensu pour évoquer certaines des mesures de correction prises dans la foulée de l’avis du comité d’alerte.

Dans votre rapport, vous approfondissez le constat relatif au poids des pathologies chroniques dans l’évolution des dépenses de l’assurance maladie. Ainsi, la hausse de l’Ondam est due à 71 % au développement des pathologies chroniques dont la prévalence s’explique, à 55 %, par le vieillissement de la population. Dans le même temps, vous indiquez que la stricte stabilisation du déficit de la branche maladie, et non sa résorption, implique une économie de 5 milliards d’euros par an entre 2026 et 2030. Votre rapport propose donc une série de recommandations permettant de générer 3,9 milliards d’euros d’économies pour la seule année 2026.

Le temps me manque pour entrer dans le détail. Aussi focaliserai-je mon intervention sur quelques points saillants. S’agissant de la prévention. Vous êtes favorable à l’organisation d’un dépistage systématique de l’hypertension artérielle ouvert aux pharmaciens, est ce que cela passera par une disposition au prochain PLFSS ?

Concernant le parcours de soins et la qualité de la prise en charge, vous appelez à réformer le système des IJ pour arrêt maladie. Très concrètement, quelles mesures vous travaillez avec le gouvernement pour le prochain PLFSS ? Dit autrement, quelles hypothèses sous-entendent les 2 Md€ ciblés en 2030,
300 millions en 2026 ?

Pour ce qui relève du médicament, vous proposez par exemple d’ajuster la tarification des médicaments anticancéreux au niveau de preuve issu des essais thérapeutiques. Pouvez-vous en détailler le mécanisme ?

Vous attirez l’attention sur le développement des médicaments bio-similaires et génériques. Vous estimez que des économies pourraient être générées par un développement des bio-similaires si des mesures complémentaires sont prises telles que le développement d’un système restreignant le bénéfice du tiers-payant aux usagers acceptant la substitution. Comme cela fait écho aux mêmes inquiétudes pour l’avenir du maillage officiel.

L’arrêté du 6 mai 2025, qui fixait le taux plafond de remises commerciales sur les médicaments génériques, taux à 40%, a pris fin le 1er juillet, laissant la profession dans une situation d’incertitude majeure.

Ces dernières années, les pharmaciens ont été pleinement mobilisés pour promouvoir la substitution, dans une logique d’économies pour l’Assurance maladie. Une baisse brutale du taux plafond, sans compensation proportionnée, serait contradictoire avec cette stratégie nationale, et reviendrait à désavouer l’engagement des officines.

Il est question, en parallèle de la baisse du taux plafond sur les génériques, d’instaurer un taux de remise encadré pour les médicaments hybrides et biosimilaires substituables. Cette perspective soulève plusieurs interrogations majeures, restées à ce jour sans réponse. Ce nouveau plafond permettra-t-il une compensation financière réelle et équivalente pour les officines ? Le modèle d’incitation associé sera-t-il aussi structurant que celui mis en place pour les génériques (tiers payant conditionné, tarif forfaitaire de responsabilité, etc.) ? Et comment prendra-t-on en compte les différences structurelles entre ces catégories de médicaments, notamment la faible diffusion des biosimilaires en ville, leur concentration autour des établissements hospitaliers, ou encore leur quasi-absence dans de nombreuses zones rurales ?

Faute de garanties sur ces points, la profession redoute des fermetures d’officines et des suppressions d’emplois dans les territoires, alors même que ses missions ne cessent de s’élargir. Les remises sur les génériques constituent en effet un levier économique indispensable pour maintenir l’équilibre financier des officines. Dans une logique mutuellement bénéfique, ces remises soutiennent l’économie du médicament générique, vertueux pour les comptes publics, et stimulent l’activité des officines sur des produits à faible rendement.

Aussi me paraît-il indispensable de procéder à une étude d’impact micro-économique complète, analysant les effets différenciés selon la taille, l’implantation géographique et la structure de chiffre d’affaires des officines. Avant que celle-ci ne soit réalisée, j’ai demandé solennellement au gouvernement de surseoir à toute décision.

Vous abordez en outre la question de la financiarisation de certains secteurs. Sur ce sujet, vous proposez de baisser les tarifs dans les secteurs à « très haut niveau de rentabilité », d’instaurer un mécanisme de régulation sectorielle inspirée de la clause de sauvegarde du médicament et d’imposer aux sociétés d’exercice libéral une transparence accrue.

Avez‑vous déjà travaillé sur ce à quoi pourrait ressembler une « clause de sauvegarde » pour ces secteurs ? Certaines de ces mesures, comme la proposition 30 sur les règles du gouvernement des SEL ne relèvent probablement pas des lois de financement de la sécurité sociale. Avez-vous évoqué avec le Gouvernement la possibilité d’un texte de loi portant sur ce sujet ?

Vous n’abordez pas les excés de la télémédecine. N’appelez-vous pas des mesures de régulation au prochain PLFSS pour y remédier ?

Quel volume d’économies visez-vous à court terme (2026) et à moyen terme (2030) sur ces seuls leviers de rente ?

J’achèverai enfin mon intervention en revenant brièvement sur les mesures visant à corriger le dépassement anticipé de l’Ondam pour 2025.

Vous savez comme nous tous ici que, malgré son caractère automatique, le report des revalorisations tarifaires a été vécu par les professionnels de santé libéraux concernés comme la violation des engagements pris par l’assurance maladie. Quelles seront d’après vous les conséquences de cette situation sur les futures négociations conventionnelles que vous aurez à mener et, par effet de domino, sur la capacité de l’assurance maladie à faire participer les professionnels à la transformation de notre système de santé et à la régulation des coûts ? Quel serait le nouveau calendrier d’application des mesures signées ?

Voilà de nombreuses questions pour lesquelles j’attends des réponses de votre part. »

 

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