Intervention de Thibault BAZIN – Discussion générale sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (nouvelle lecture)

Intervention de Thibault BAZIN – Discussion générale sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (nouvelle lecture)

3 décembre 2025 Hémicycle - emploi Hémicycle - handicap Hémicycle - retraite Hémicycle - santé PLFSS pour 2026 0

Retrouvez mon intervention en vidéo à la Tribune de l’Assemblée nationale lors de la discussion générale sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (nouvelle lecture).

« Madame la présidente,

Monsieur le Premier ministre,

Mesdames et Messieurs les ministres,

Monsieur le président de la commission des affaires sociales,

Mesdames et messieurs les rapporteurs thématiques,

Mes chers collègues,

Nous abordons cette nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 dans un contexte où notre pays a besoin, plus que jamais, de stabilité (et de visibilité). Car un PLFSS, ce n’est pas seulement un exercice budgétaire : c’est un engagement envers les Français et envers les acteurs qui font vivre la sécurité sociale au quotidien.

1) Certains, dans cet hémicycle, contestent l’utilité même d’un PLFSS. Je veux ici rappeler quelques évidences.

Un PLFSS, ce n’est pas une œuvre bureaucratique. C’est la colonne vertébrale financière de notre pacte social.
Il fixe des trajectoires : celles des dépenses de santé, avec l’Ondam ; celles des recettes sociales, dont dépend chaque jour la trésorerie de l’Acoss ; celles des branches vieillesse, famille, autonomie et AT-MP, qui nous engagent sur le court, le moyen et parfois le très long terme.

Sans loi de financement de la sécurité sociale au 1er janvier, ce sont nos hôpitaux et nos établissements pour personnes âgées et personnes handicapées qui ne savent plus quels seront leurs tarifs, les assurés qui ne comprennent plus l’écart entre les mesures annoncées et le droit applicable, les organismes de sécurité sociale qui doivent naviguer à vue dans un océan d’incertitudes. Ce sont aussi nos entreprises – et en premier lieu nos TPE-PME – qui ne peuvent plus anticiper leurs charges, qui gèlent leurs investissements et retardent leurs embauches. Ce qui induit une baisse de la masse salariale et donc une perte des recettes sociales.

Avoir une loi de financement de la sécurité sociale au 1er janvier, c’est au contraire de la stabilité pour des millions d’assurés sociaux et d’opérateurs économiques.

Et refuser d’adopter un PLFSS, ce serait accepter l’imprévisibilité, c’est‑à‑dire la pire des politiques.

2) Chacun le sait dans cet hémicycle : pour aboutir à un texte susceptible d’être adopté, il faut toutefois tenir compte des équilibres politiques, éviter les impasses comme sur les franchises et participations, et accepter une part de compromis.

Nos discussions en première lecture l’ont montré : cela implique de refuser les gels aveugles, les rabots indifférenciés ou les mesures qui dégradent les recettes sans amélioration tangible du pouvoir d’achat de ceux qui travaillent ou ont travaillé. Il nous faut aussi protéger les plus malades.

Cela signifie aussi reconnaître que certaines mesures – même lorsqu’elles ne faisaient pas partie des priorités initiales des groupes qui sont le plus proches du Gouvernement ou des groupes d’opposition ouverts à la discussion – sont devenues des conditions sine qua non pour qu’un PLFSS puisse être voté.

Je pense naturellement au décalage de la réforme des retraites de l’article 45 bis consentie aux socialistes.

J’ai exprimé mes réserves : cette mesure pèse sur la trajectoire de la branche vieillesse et dégrade nos finances sociales. Il nous faudrait plutôt des mesures pour améliorer le taux d’emploi.

Mais chacun doit voir la réalité telle qu’elle est : aucun PLFSS ne peut aujourd’hui rassembler une majorité sans cet ajustement.

J’en prends acte, parce que notre responsabilité est d’aboutir à un compromis et d’adopter un PLFSS pour éviter à la Nation de débuter l’année sans cadre financier pour la sécurité sociale.

De la même façon, d’autres mesures font partie de l’équation d’un compromis possible : je pense en particulier à l’article 8 septies qui étend la déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires aux entreprises de plus de 250 salariés, mesure portée par le groupe de la Droite républicaine afin de récompenser l’effort des travailleurs et de leur redonner du pouvoir d’achat, pour un coût modeste pour les finances sociales (150 millions d’euros). Et je pourrais en citer d’autres.

Construire un texte de compromis, c’est accepter que chacun renonce à une part de sa pureté doctrinale et n’empêche pas d’intégrer des mesures qu’il ne défendrait pas instinctivement.

Construire un texte de compromis, c’est aussi renoncer à des mesures nouvelles qui constituent des irritants pour d’autres tels la hausse de la CSG patrimoine qui vient pénaliser aussi des travailleurs qui ont mis un peu d’épargne de côté sur un plan d’épargne logement ou un plan d’épargne populaire.

3) Une loi de financement de la sécurité sociale, ce n’est pas seulement une trajectoire financière : c’est un instrument de l’action publique.

Or, s’il n’est pas parfait, ce texte apporte des réponses immédiates et attendues dans plusieurs domaines :

– la préservation du modèle économique pour nos pharmacies de proximité dans nos territoires (article 11 sexies) qu’il faudra encore renforcer par d’autres mesures l’an prochain ;

– le régime social des agriculteurs, pour lesquels la lisibilité et l’équité des règles d’affiliation, de cotisation et de prestations demeurent un enjeu vital auquel ce PLFSS contribue via les mesures portant sur leur cumul emploi-retraite (article 43), l’extension du capital‑décès à leurs ayants droits (article 40) ou encore sur les bailleurs à métayage (article 5 bis) sans parler des dispositions pour les conjoints- collaborateurs et les entreprises de travaux forestiers ;

– l’accompagnement à la parentalité à travers l’article 42 qui crée un congé supplémentaire de naissance indemnisé en fonction du salaire, mesure que nous appelons tous de nos vœux depuis plusieurs années en espérant de la souplesse pour s’adapter aux besoins des familles et favoriser ainsi son recours ;

– la retraite des femmes, à travers une meilleure prise en compte de la maternité dans les droits à la retraite, qu’il s’agisse de la retraite anticipée pour carrières longues ou du calcul du montant de la pension des mères fonctionnaires (article 45) ;

– la prévention en santé avec la création d’un parcours d’accompagnement préventif contre les maladies chroniques (article 19) ou encore l’instauration d’une consultation longue, prise en charge par l’assurance maladie, au moment de la ménopause (article 21 ter).

Le PLFSS pour 2026 comporte donc des mesures utiles et répond à des attentes concrètes dans un cadre budgétaire que chacun sait contraint. Ne pas le voter reviendrait à refuser ces avancées.

4) Je veux ici être très clair : notre responsabilité collective est néanmoins d’aboutir à un texte qui permette un début de redressement. Le déficit des régimes obligatoires de base pour 2025, vous le savez, pourrait atteindre environ 23 milliards d’euros.

Je l’ai dit à l’issue de nos travaux en première lecture et avec la nécessaire précaution qui s’attache à ce genre d’estimations : le déficit du texte que nous avons transmis au Sénat s’élevait à environ 24 milliards d’euros.

Nous ne pouvons pas, à ce stade de la navette parlementaire, bâtir un PLFSS qui accepterait comme horizon une aggravation ou même une stagnation à ce niveau. Pas simplement pour le plaisir de réduire les déficits, mais parce que c’est l’avenir de notre modèle social qui est en jeu, un héritage vieux de quatre‑vingt ans et dont on souhaite qu’il vive au moins quatre‑vingt ans de plus.

Le texte adopté en fin de parcours devra améliorer la trajectoire, même modestement. Il devra démontrer que nous avons entendu les inquiétudes de la Cour des comptes, des partenaires sociaux et, à vrai dire, de tous nos concitoyens qui s’interrogent légitimement sur la pérennité de notre modèle social.

Le redressement ne se fera pas en un texte, ni en une année, mais il commence ici.

C’est cela, la responsabilité.

C’est cela, la crédibilité de la parole publique.

Je lance donc un appel solennel au gouvernement alors que nous fêtons les 80 ans de la sécurité sociale pour que la loi Veil soit respectée désormais. Compensez les exonérations ciblées, je pense en particulier aux heures supplémentaires. Cela apporterait 2.5Md€. Compensez également totalement les allégements généraux. Cela passe par les 1.6Md€ pour 2025, et 3Md€ pour 2026 induits par la réforme des AG. Laissez-les à la sécurité sociale.

Le solde final en sera largement amélioré.

5) Je conclurai en rappelant une autre évidence : le PLFSS ne peut, à lui seul, relever tous les défis. Il doit donc être accompagné d’une stratégie plus large et volontariste.

  • D’abord, il faut valoriser davantage le travail.

Nous devons faire en sorte que, à toute situation familiale identique, le travail paie davantage que l’inactivité. Ma conviction personnelle, Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les ministres, c’est qu’il nous faut avancer vers une allocation sociale unifiée plafonnée, autour d’un revenu social de référence, qui simplifie un système devenu illisible et renforce l’incitation au travail. Votre annonce, aux Assises des départements, du dépôt prochain d’un projet de loi sur le sujet va donc dans le bon sens, et nous serons pleinement engagés sur ce texte. Il y a urgence à s’y atteler.

  • Ensuite, il faut accélérer la lutte contre la fraude.

Fraude aux prestations, fraude aux cotisations, entreprises éphémères, travail dissimulé : c’est un enjeu de justice et d’équité autant que de rendement budgétaire. Certaines mesures de ce texte y contribuent mais nous aurons l’occasion très prochainement d’avancer spécifiquement sur ce sujet lors de l’examen du projet de loi de lutte contre les fraudes sociales et fiscales.

  • Puis il nous faut aussi simplifier notre architecture administrative. Cette simplification doit être mise au service de l’amélioration de la gouvernance et du bon usage des deniers publics. Je travaille moi‑même depuis plusieurs mois à une proposition de loi visant à simplifier le modèle de formation continue des professionnels de santé qui va dans ce sens.
  • En outre, nous devons lutter contre les excès de la financiarisation. La santé, le handicap, l’autonomie ne peuvent pas devenir des actifs spéculatifs. Nous devons préserver une logique de service et d’intérêt général. Certaines mesures du PLFSS y contribuent mais il nous faudra en débattre à travers un texte ad hoc qui ne soit pas contraint par le périmètre que la loi organique réserve aux lois de financement.
  • Enfin, il faut faire des économies intelligentes.

Je le dis clairement : il ne s’agit pas de couper pour couper mais de réduire ce qui est redondant, inutile ou parfois même dangereux.

Les actes médicaux inappropriés, les prescriptions redondantes, les protocoles obsolètes : voilà des marges d’efficience qui ne dégradent pas l’accès aux soins, au contraire.

Mes chers collègues,

Le texte que nous examinons aujourd’hui n’est pas parfait. Mais je vais vous faire une révélation : aucun PLFSS ne l’a déjà été ni ne le sera jamais.

Mais il offre un cap, apporte des réponses utiles et peut même améliorer la trajectoire pour 2026 par rapport à l’exercice 2025 à condition que notre Assemblée y travaille collectivement.

Que chacun de nous s’en rappelle au moment des votes qu’il devra faire.

Que ce PLFSS pour 2026 ne soit ni celui du gouvernement, ni celui d’aucun groupe parlementaire mais bien celui pour la France et ses assurés sociaux. Alors ce PLFSS pour 2026 sera celui de personne mais bien celui pour tous !

Je vous remercie. »

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