Intervention – Motion de censure sur la partie II du PLFSS pour 2025
Retrouvez ci-dessous la vidéo de mon intervention au sujet de la motion de censure sur la partie II du PLFSS pour 2025.
« Madame la Présidente,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mes chers collègues,
Nous voici donc réunis à nouveau en séance publique pour examiner une énième motion de censure déposée par La France Insoumise, la 3ème en sept jours.
Bien que je doive leur reconnaître une certaine abnégation, une certaine constance dans la recherche du chaos budgétaire, et je dirai même du chaos institutionnel, ce comique de répétition serait risible si nous ne parlions pas du budget de notre protection sociale, de répondre aux besoins des Français, de les aider à faire face aux risques de la vie, qu’il s’agisse de la maladie, des accidents, du handicap ou de la perte d’autonomie sans oublier les risques heureux d’accueillir la vie. Et l’heure est grave pour nos finances publiques, je dirai même menaçante pour notre protection sociale.
Les Français sont inquiets, très inquiets depuis la censure du gouvernement de Michel BARNIER, privant la France de budgets.
Il est de notre devoir de répondre à cette inquiétude en faisant preuve de responsabilité. Voilà l’état d’esprit qui nous anime avec Laurent WAUQUIEZ et les collègues du groupe de la droite républicaine.
Alors comment en sommes-nous arrivés là à examiner un budget de la sécurité sociale en février alors que l’année a déjà commencé ?
Nous en sommes là car une première motion de censure a été adoptée le 4 décembre dernier. Oui, cette censure d’un texte issu d’une CMP pourtant conclusive, a eu un coût pour le budget de l’Etat, et celui de la sécurité sociale. Il ne faut pas minimiser cette facture de la censure, ni même l’oublier.
D’ailleurs le dérapage budgétaire s’est aggravé, tout comme les conditions socio-économiques. Ainsi le déficit prévisionnel pour 2025 est passé de 18 Md€ tel que prévu à la CMP à plus de 22 Md€ dans le projet qui nous est soumis. Et la croissance prévisionnelle pour 2025 a été revue à la baisse de 1,1% à 0,9% et certains économistes juge cette hypothèse encore un peu optimiste.
La censure du gouvernement de Michel BARNIER a d’abord généré un climat d’incertitude néfaste pour le pays :
• les entreprises et leurs salariés sont dans le flou le plus complet quant au calcul des cotisations à l’entrée de l’échelle des salaires
• les difficultés perdurent dans certains secteurs comme l’emploi saisonnier agricole ou la distribution de médicaments sur le territoire
• des semaines entières sont perdues pour le parcours de soins gynécologiques, la maîtrise des stocks de médicaments, les impasses financières des maisons de retraite, etc.
• Les investissements publics et privés sont en pause, les embauches gelées, les projets reportés…
Voilà les conséquences de la censure.
Ce climat général aboutit à une dégradation de la croissance et donc une baisse des recettes de la sécurité sociale.
Mes chers collègues, Il nous faut créer au plus vite les conditions d’un rebond de confiance, et ainsi d’un rebond de croissance. Cela passe par l’adoption dans les meilleurs délais de ce budget de la sécurité sociale, redonnant ainsi visibilité et lisibilité pour la France.
La censure du gouvernement de Michel BARNIER a également mis fin à des mesures qui généraient des économies.
Le déficit de toutes les branches de la sécurité sociale, hors Fond de Solidarité Vieillesse, s’élevait à 15,7 milliards d’euros dans la version du Sénat, avant la censure.
Après l’actualisation du tableau d’équilibre et les chiffres fournis par le gouvernement, le texte que nous examinons en nouvelle lecture affiche un déficit de plus de 22 milliards d’euros.
Le solde de la branche maladie se creuse de plus de 2 milliards d’euros. Pour la branche vieillesse, ce sont 3 milliards d’euros de déficit supplémentaire en l’espace de 2 mois.
Plus inquiétant encore, pour les années à venir, les projections pour nos finances sociales se dégradent également.
Le déficit de l’ensemble des branches, en incluant le fonds de solidarité vieillesse, se dégraderait ainsi d’un milliard d’euros supplémentaires en 2026 et de 2 milliards d’euros en 2028.
Chers collègues, cette trajectoire est inquiétante car elle n’inclut pas les éventuels évènements exogènes qui pourraient la bousculer.
Il est urgent de modifier la donne et de redresser nos finances sociales. Car les déficits s’accumulant, c’est notre dette sociale qui devient insoutenable. Il faudra d’ailleurs Monsieur le Premier Ministre s’interroger sur le cadre organique actuel de la CADES, je pense aux échéances que nous serons peut-être appelées à revoir afin d’appréhender 2026 dans des conditions davantage supportables.
Le Haut Conseil des Finances Publiques l’a pudiquement rappelé il y a quelques jours dans son avis. Ce budget « offre peu de marges de sécurité » et repose sur des leviers qui sont « peu documentés ».
Ce que veut dire concrètement le Haut Conseil est très simple, et nous devons voir la réalité en face. En cas de crise, de pandémie ou de dégradation de l’environnement macroéconomique, le déficit pourrait devenir hors de contrôle.
Serions-nous capables de faire face à une pandémie comme celle du Covid-19 en injectant autant d’argent que par le passé ? Je le dis avec tristesse : si une telle crise survenait demain, je ne le crois pas.
Par conséquent, il est tout à fait évident que si cette nouvelle motion de censure venait à être adoptée, la France en serait affaiblie encore davantage. Nous ne pouvons pas l’accepter. Il en va de notre responsabilité.
La France a besoin d’un budget de la sécurité sociale.
J’ai entendu sur certains bancs que le PLFSS n’est qu’un texte technique, et qu’il ne contient que des objectifs de dépenses. Cela justifierait, aux yeux de certains, de le sacrifier sur l’autel de la politique politicienne.
Je veux redire ici que le budget de la sécurité sociale est indispensable pour fixer les tarifs dans les établissements et pour permettre à l’Acoss – cette caisse nationale des URSSAF – de se présenter plus sereinement devant ses prêteurs. Cette dette contractée par l’Acoss sert tout simplement à permettre à ceux qui ont cotisé de toucher les aides auxquelles ils ont droit : allocations familiales, prestations d’invalidité ou indemnités journalières…
C’est également un outil de pilotage de nos finances publiques. Sans budget, nous disons solennellement à nos créanciers et à l’ensemble du monde que la France n’est pas un pays sérieux car elle n’a aucune trajectoire prévue, et adoptée par le parlement, de son déficit de la sécurité sociale.
Pour l’ensemble de ces raisons, et même si je ne suis pas convaincu par toutes les mesures envisagées, je préfère un budget imparfait à l’absence de budget.
Alors ce budget de près de 644 milliards en recettes a évolué à la marge depuis celui soumis début décembre car les contraintes sont telles qu’il ne peut en être autrement, n’en déplaise aux insoumis.
Malgré cela, nous pouvons nous réjouir que des groupes parlementaires aient enfin évolué, acceptant désormais de discuter avec le gouvernement. Car il y a une nuance de taille entre s’opposer à un gouvernement et aller jusqu’à empêcher notre pays de fonctionner correctement, le privant d’un budget. En ne censurant pas le gouvernement bien que dans l’opposition, c’est le choix de la responsabilité, de ne pas rajouter du chaos au chaos. Et c’est ce que les Français attendent majoritairement de nous.
Alors certains le font peut-être par calcul. Peu importe même si on peut s’interroger sur les motivations qui peuvent les animer, surtout si leurs positions peuvent évoluer non pas en fonction de ce que contient le budget mais d’intérêts partisans conjoncturels.
Par contraste avec la responsabilité retrouvée des uns, ceux qui ne censureront pas aujourd’hui, je veux souligner l’incurie des autres. Nous avons des désaccords profonds avec La France Insoumise, signataire de cette motion.
– Les insoumis proposent des taxes à tour de bras, toujours des taxes. Et quand on y regarde de plus près, les Français qui travaillent ou qui ont travaillé, en seraient bien souvent les victimes. Evitons cela.
– LFI propose également chaque année de ne pas rembourser la dette sociale en n’affectant pas de ressources à la Cades. C’est pourtant une caisse bien gérée, qui remplit la mission qui lui est confiée. La sécurité sociale ne doit-elle pas montrer l’exemple en honorant ses engagements ?
Oui, mes chers collègues, nous n’avons pas la même vision de l’avenir de notre sécurité sociale, celle que vous portez dans cette motion de censure.
Je ne reviendrai pas sur la sémantique utilisée par l’oratrice insoumise, la présidente Nadège ABOMANGOLI. Ce qui est excessif est insignifiant. Je préfère en rester au fond.
Et si votre motion était adoptée, ce que je ne souhaite pas, des mesures tant attendues seraient encore reportées. Et ce n’est pas acceptable.
, Nous avons d’ailleurs obtenu des avancées concrètes pour les Français, contenues dans ce budget grâce au travail des membres du groupe Droite Républicaine avec notre président Laurent WAUQUIEZ :
– Je pense aux mesures en faveur des agriculteurs qui ont été préservées.
Les retraites agricoles seront calculées dès 2026 sur les 25 meilleures années, c’est l’aboutissement d’un combat mené par mon collègue Julien DIVE.
Le cumul de l’exonération applicable aux jeunes agriculteurs et des taux réduits de droit commun des cotisations maladie et famille sera désormais possible grâce à l’article 5. Le dispositif TO DE, ainsi pérennisé par l’article 4 et passant de 1,2 à 1,25 SMIC, permettra une embauche facilitée des travailleurs saisonniers. C’était nécessaire pour faire face à une concurrence déloyale persistante. Il en va aussi de notre souveraineté alimentaire en soutenant ainsi nos producteurs de fruits. J’ai une pensée à cet instant pour ceux qui produisent les mirabelles de Lorraine.
– Le travail, surtout, n’a pas été dévalorisé, ceux qui se lèvent tôt ont été protégés dans ce budget.
Nous avons obtenu, avec d’autres, la suppression de la deuxième journée de solidarité, qui aurait fait travailler gratuitement les Français 7 heures par semaine. Ce n’est pas en procédant ainsi que nous allons relever les défis de notre protection sociale.
Le plus crucial relève de notre taux d’emploi qu’il faut améliorer. Imaginez que si nous avions un taux d’emploi similaire à l’Allemagne, nous aurions 15 Milliards de recettes sociales de plus, et 5 milliards de prestations de moins à verser, soit une différence de 20 Milliards qui comblerait l’essentiel du déficit de la sécurité sociale. Voilà le principal levier à utiliser.
Nous saluons la version retenue de l’article 6, sur la réforme des allègements de cotisations patronales, qui s’en tient à la version de compromis issue de la commission mixte paritaire, en limitant l’alourdissement des charges pour les entreprises. Il faudra veiller à ne pas pénaliser davantage nos industries. Le métier reste sur l’ouvrage.
– Les hausses de taxes, même si elles sont encore trop importantes de mon point de vue, ont été contenues dans cette 2ème partie aux articles 9 bis et 9 ter B.
Le groupe DR a par exemple permis d’exclure la filière hippique de la taxe sur les paris sportifs. Il faut ainsi préserver le sport et les acteurs qui le soutiennent.
Plus que jamais, notre groupe de la droite républicaine avec Laurent WAUQUIEZ veut être utile aux Français. Chacun pourra le constater à travers ces quelques exemples de ce que nous avons obtenu.
Citons encore les outils pour mieux lutter contre la fraude.
Malgré tout, l’épisode budgétaire dont nous connaissons, j’espère, l’épilogue, doit nous permettre de tirer des enseignements pour les années à venir.
Il n’est pas possible, il n’est plus possible, pour le bien du pays, de « naviguer » au gré des gouvernements, de préparer un budget en quelques semaines à partir de mesures purement paramétriques.
Je souhaite donc que nous nous remettions au travail dès demain, pour non seulement réussir l’exécution du budget de cette année mais aussi préparer le budget de l’année prochaine :
– En identifiant plus précisément les sources d’économies, notamment dans les opérateurs de l’Etat et les doublons, pour éviter les coups de rabot sans discernement et peu lisibles.
– En ciblant prioritairement les baisses de dépenses, au lieu des hausses de taxes. La France a déjà le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé d’Europe.
– En apportant une vision pluriannuelle pour donner de la visibilité aux acteurs économiques et institutionnels
– En s’attaquant au déficit abyssal de notre système de retraites. Comme vous l’avez rappelé Monsieur le Premier ministre pendant votre discours de politique générale, la moitié du déficit de la France accumulé sur les 10 dernières années est imputable aux retraites.
Comme chacun sait, le faible déficit de la branche vieillesse de la sécurité sociale est un « trompe l’œil » qui masque les cotisations vieillesse plus élevées dans le public que dans le privé. Par cet artifice comptable, la véritable dette de notre système de retraites est répartie dans la masse salariale des ministères, au lieu d’apparaître dans la branche vieillesse.
Comme l’écrivait Chateaubriand dans ses mémoires d’Outre-tombe : « Le péril s’évanouit quand on ose le regarder. » Osons mes chers collègues regarder le véritable déficit de notre système de retraites en face.
Nous devons donner les vrais chiffres, pour guider les responsables politiques dans les réformes structurelles qu’ils auront à mener dans les prochaines années.
Bien évidemment, tous ces efforts doivent s’accompagner d’une réflexion plus générale sur notre taux d’emploi ou sur notre natalité qu’il faut relancer alors que le désir d’enfants est de plus de 40% supérieur au taux de fécondité constaté.
Notre système de protection sociale est fondé sur le travail et la solidarité intergénérationnelle, deux principes fondamentaux de plus en plus dévoyés.
Alors avec Laurent WAUQUIEZ et les collègues de la droite républicaine, nous voulons y remédier, en rétablissant de la justice sociale.
Nous voulons ainsi créer un écart significatif, à situation familiale identique, entre la famille dont les parents travaillent et celle dont les parents ne travaillent pas.
Ainsi exercer un emploi, naturellement quand on le peut, doit redevenir toujours plus rémunérateur que le cumul des aides.
Supprimons ces terribles trappes à inactivité, dans lesquelles la reprise d’un travail ou l’augmentation de son volume horaire fait moins gagner de salaire que perdre de prestations ou tarifs sociaux.
En procédant par étape, vers une allocation sociale unique, cela sera une simplification pour les bénéficiaires et permettra dans le même mouvement de lutter contre le non-recours et de réduire les frais de gestion.
Cela doit aller de pair avec un rétablissement des allocations familiales aux familles qui travaillent, pénalisées par la mise sous condition de ressources, un coup de rabot de la présidence de M. Hollande.
Voilà notre priorité pour la France : mieux valoriser ceux qui travaillent afin d’assurer la pérennité de notre protection sociale.
Il en va de notre cohésion et de l’avenir de notre Nation.
Notre boussole a toujours été et restera : la France. »