Désertification bancaire
Voici en vidéo la question orale posée ce matin au gouvernement sur la désertification bancaire dans notre territoire (la disparition des distributeurs de billets), la réponse du gouvernement et ma réaction
Compte-rendu de séance :
Présence bancaire en zone rurale
M. le président. La parole est à M. Thibault Bazin, pour exposer sa question, no 547, relative à la présence bancaire en zone rurale.
M. Thibault Bazin. Monsieur le secrétaire d’État chargé du numérique, je me fais l’écho de l’inquiétude et du mécontentement de mes concitoyens face au grand nombre de fermetures d’agences bancaires en zone rurale. Rien que dans ma circonscription de Meurthe-et-Moselle, de nombreuses fermetures viennent d’avoir lieu : à Cirey-sur-Vezouze – où il y avait encore trois banques –, à Badonviller, à Blainville-sur-l’Eau et à Blâmont. Désormais, dans certaines communautés de communes, il n’y a même plus de distributeur de billets. Ces fermetures ont un impact direct sur les commerces, les touristes et les habitants. Ces derniers sont contraints de faire des kilomètres pour retirer du liquide, ce qui freine la consommation locale et le développement des circuits courts. Ces fermetures, conjuguées à la disparition des commerces et de différents services, contribuent aussi au sentiment d’abandon ressenti de manière très forte sur les territoires concernés et clairement manifesté par le mouvement des gilets jaunes.
J’avais déjà appelé l’attention du Gouvernement à ce sujet en juillet dernier, par une question écrite qui n’a malheureusement pas reçu de réponse. La question a été débattue au Sénat en novembre dernier, mais la solution proposée, le « cashback », n’est à la hauteur ni des enjeux ni des attentes ; ce n’est qu’un pis-aller.
L’accès à l’argent liquide constitue un enjeu d’égalité territoriale. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre en la matière ? Il s’agirait d’assurer une présence bancaire, à tout le moins un distributeur de billets, dans chacun des anciens chefs-lieux de canton rural, selon des critères de proximité à définir, afin de préserver la qualité de vie, la consommation locale et l’attractivité de nos territoires ruraux.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du numérique.
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du numérique. Vous l’avez dit et vous avez raison, monsieur Bazin, l’accès aux services bancaires, notamment aux espèces, est une composante importante de la cohésion des territoires. L’exemple de votre territoire, que vous avez cité, est éloquent. Il convient néanmoins de rappeler certains éléments factuels.
Le réseau d’agences bancaires et de distributeurs de billets français l’est un des plus importants et des plus denses d’Europe. La Banque de France est en train de réaliser une cartographie de l’accessibilité de ces distributeurs. L’immense majorité de la population française a accès à un distributeur de billets ou à un relais via un commerçant, au prix d’un trajet court, bien plus court que celui qu’il faut faire pour accéder, par exemple, à une station-service.
Certaines banques ont toutefois entrepris de réduire le nombre de distributeurs, vous venez de le rappeler. Il s’agit le plus souvent d’une rationalisation en zone urbaine, où les clients utilisent de plus en plus des services dématérialisés ou se servent de moyens de paiement embarqués sur une carte ou sur leur téléphone, et ceux-ci ont vocation à représenter une part croissante des transactions à venir. Cependant, il reste encore des clients qui ont besoin des espèces.
Le Gouvernement continue de veiller, avec la Banque de France, à la permanence de l’accès aux espèces. Il existe de nombreuses initiatives – vous les avez citées – pour favoriser un meilleur accès des territoires ruraux aux espèces, en complément des distributeurs automatiques de billets, qui déjà, dans de très nombreux pays, ne sont pas la source principale de distribution d’espèces.
Les points relais de « cashback » permettent ainsi aux clients d’une banque de retirer des espèces auprès d’un commerçant, lequel agit alors comme un agent bancaire, à travers une convention avec un établissement. Le développement de ces services bancaires est aussi proposé par des acteurs privés, comme les buralistes, dont l’inventivité, ces dernières années, a permis de multiplier les solutions. De plus en plus de lieux, selon des modalités de plus en plus flexibles, sont en train de généraliser, en France, la disponibilité des espèces en dehors du distributeur.
Dans ces conditions, créer une obligation d’implantation pour les banques n’apparaît ni possible juridiquement, ni proportionné, ni nécessaire. Une telle obligation devrait faire l’objet de compensations financières sur le budget de l’État pour ne pas se heurter au principe d’égalité devant les charges publiques. Cela impliquerait des coûts budgétaires. Surtout cela entraînerait des effets d’aubaine beaucoup trop importants, compte tenu de la capillarité actuelle du réseau tel qu’il existe.
Nous misons sur les solutions privées. Il sera très important, notamment grâce à la cartographie réalisée par la Banque de France, de s’assurer de la réalité des nouvelles modalités de disponibilité dans les prochains mois et les prochaines années, notamment sur votre territoire.
M. le président. La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, qui toutefois ne me paraît pas suffisante. Vous n’avez pas évoqué la possibilité pour les communes de financer le maintien d’un distributeur automatique de billets. Telle est pourtant la demande formulée par la dernière banque présente dans la commune de Cirey-sur-Vezouze. Reste que cette solution ferait peser sur la collectivité un coût certain de fonctionnement qui ne serait pas compensé, mais aussi une charge très importante quand il faudra renouveler le distributeur.
Une proposition de loi discutée au Sénat a fait pencher l’hémicycle en faveur du recours au FISAC, le fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, afin de financer l’opération. Cependant, vous le savez, le budget de 2019 prévoit l’extinction de ce fonds.
Vous avez également évoqué la possibilité de développer le « cashback ». Quand la dernière agence de la commune de Badonviller a fermé, l’an dernier, la banque concernée a souscrit un partenariat intéressant avec un buraliste, à ceci près que les habitants qui ne sont pas ses clients ne peuvent pas retirer d’argent. De plus, certains commerçant ne sont pas équipés en terminaux de paiement, parfois à cause du coût de ceux-ci, mais aussi parce qu’ils sont en zone blanche et ne bénéficient pas d’une connexion numérique suffisante pour s’équiper.
Avec l’émergence d’une société du « zéro cash », ne risque-t-on pas une plus grande vulnérabilité en cas de panne informatique ou de bug du réseau ? Vous êtes bien placé pour le savoir. En outre, ne risque-t-on pas d’aggraver la mauvaise gestion du budget de certains foyers vulnérables ? Les territoires ruraux abandonnés par les banques attendent davantage de soutien de la part de l’État. Leurs habitants espèrent des réponses concrètes pour l’accès équitable à l’argent liquide. Il faut développer celles-ci, quelle que soit la banque d’origine de chacun. Nous avons vraiment besoin de solutions sur le terrain.