Intervention prononcée à La Tribune de l’assemblée nationale par le député Thibault BAZIN lors de la discussion générale du Projet de ratification du CETA

Intervention prononcée à La Tribune de l’assemblée nationale par le député Thibault BAZIN lors de la discussion générale du Projet de ratification du CETA

18 juillet 2019 Hémicycle - autres 0
“Madame la Présidente,
Messieurs les Ministres,
Chers collègues,
Nous sommes réunis pour examiner le projet de loi autorisant la ratification du CETA, cet accord économique et commercial global entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Canada, d’autre part.
Nous sommes tous conscients que nous vivons dans un monde internationalisé et qu’il nous faut en tenir compte.
Nous ne sommes pas opposés par principeaux échanges commerciaux, bien au contraire. On peut ainsi se satisfaire de la réduction réciproque des droits de douanes prévue dans ce traité.
Le rapport rendu envisage l’augmentation de nos exportations et ce, dans plusieurs filières, et nous ne pouvons que nous en réjouir, compte tenu de la faiblesse de notre balance commerciale et de son déficit chronique.
Cette hausse des exportations favoriserait nos entreprises quelle que soit leur taille, ce qui est aussi positif, puisque même nos PME en bénéficieraient.
Mais ces points de satisfaction ne peuvent nous faire oublier que tous les secteurs ne sont pas ainsi favorisés.
Certains pans de notre économie seront mis en danger, et ce n’est pas acceptable.
Je viens ici me faire l’écho de l’inquiétude légitime que cet accord suscite dans les territoires ruraux vallonés où l’agriculture, en particulier l’élevage, représente la principale activité économique. Ils s’apprêtent à souffrir…
Si notre pays peut compter des similitudes avec le Canada, on ne peut pas en dire autant de nos deux systèmes agricoles.
Nous mettons notre modèle agricole français de type familial avec une moyenne de 60 bovins par exploitation face à un modèle canadien intensif avec 60% de fermes comptant des élevages de plus de 10 000 têtes. C’est inéquitable.
Les réglementations en matière de bien-être animal, de traçabilité et de respect de l’environnement sont elles aussi très différentes entre nos deux pays.
Si la règlementation est explicite concernant l’interdiction des importations d’animaux ayant reçu des « stimulateurs de croissance » au sein de l’Union européenne, l’accord CETA ne prévoit pas de dispositions spécifiques en ce qui concerne :
– l’utilisation d’antibiotiques comme activateurs de croissance dans l’alimentation du bétail, interdits en France depuis 2006, ce qui n’est pas le cas au Canada
– l’encadrement des règles relatives au bien-être des animaux
– ou bien encore l’alimentation des animaux, et notamment l’utilisation de farines animales, interdites en France depuis 1990, ce qui n’est pas le cas au Canada.
Sans règles claires et effectives, rien ne pourra garantir aux consommateurs français et européens une viande conforme aux normes européennes de production, alors que l’article 44 de la loi EGAlim interdit de vendre ou de distribuer gratuitement des produits ne respectant pas nos règles de production. Monsieur le rapporteur, le CETA présente un risque sanitaire.
Il convient d’être d’autant plus circonspects que les contrôles actuellement en place, que ce soit par les douanes françaises ou européennes, sont limités.
Aucune recherche efficace d’hormones n’est réalisée sur la base des viandes importées. La recherche d’antibiotiques n’est réalisée que pour la viande d’agneau et de cheval. La recherche de farines animales n’est effective que dans l’huile de poisson. C’est insuffisant.
Il faut savoir de plus qu’au Canada la traçabilité des animaux n’est pas aussi fiable qu’en France, puisqu’il s’agit d’une traçabilité par lot et non une traçabilité individuelle des animaux.
Ces différences ne peuvent donc qu’inquiéter légitimement nos agriculteurs qui se voient imposer une concurrence déloyale alors même que leur situation est déjà difficile.
On ne peut accepter de telles distorsions de concurrence.
Elles mettront à mal le renouvellement des générations en agriculture qui est pourtant une nécessité.
On nous dit que ces deux dernières années n’ont vu que peu de lots canadiens arriver sur notre sol.
Cela est normal car les agriculteurs canadiens doivent pour le moment s’adapter à l’interdiction des hormones, mais on peut s’inquiéter pour les années à venir, surtout avec les volumes prévus de 60 000 tonnes de viande bovine, soit 17% du marché de l’aloyau.
Imaginez aussi que ces animaux peuvent avoir été nourris au Canada avec du maïs OGM glyphosaté. Les teneurs peuvent être au Canada 10 fois celles constatées en France. Car le glyphosate n’est jamais utilisé en France sur les cultures à récolter. Ce n’est pas le cas au Canada, où sont même utilisées en routine 46 substances phytosanitaires strictement interdites en Europe comme l’atrazine ou le carbaryl…
Il conviendrait d’exclure la viande bovine de cet accord économique et commercial pour protéger l’agriculture et l’alimentation des Français.
Mais le gouvernement et sa majorité refusent de reconnaître les dangers créés. Il nous est alors impossible de ratifier en l’état cet accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (CETA), pourtant positif pour d’autres secteurs.
Mes chers collègues, ne mettons pas dans nos assiettes ce que nous ne voulons pas dans nos champs !”

 

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