Bioethique : examen en deuxième lecture en commission spéciale
Voici la vidéo et le texte ci dessous de l’intervention que j’ai prononcée en introduction de nos travaux en “discussion générale” avant l’examen des amendements.
« Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les rapporteurs,
Mes chers collègues,
Si j’interviens en tant qu’orateur du groupe LR, loin de moi la prétention de refléter l’opinion de la totalité de mes collègues, mon objectif est uniquement de soulever les enjeux éthiques qu’impliquent, selon moi, les mesures proposées.
Les questions abordées touchant à l’intime, aux valeurs et aux convictions de chacun, les députés LR, pouvant avoir des points de vue différents, auront à nouveau une liberté absolue de vote, chacun s’exprimant en conscience sur ce texte.
Cela étant réaffirmé, permettez-moi de vous faire part de ma sidération sur le choix du gouvernement et de sa majorité d’inscrire en priorité, dans le contexte actuel, cette révision des lois de bioéthique à l’ordre du jour de notre assemblée.
Cela va t-il participer à l’unité nationale revendiquée par le Président de la République ? J’en doute. Ce projet divise les Français. D’ailleurs, selon un récent sondage, 70% d’entre eux ne sont pas favorables à son inscription à l’ordre du jour.
Est-ce la préoccupation majeure des Français ? J’en doute aussi. Seulement pour 1% selon ce même sondage.
Est-ce pour le gouvernement un moyen de faire diversion alors que la crise économique inquiète, que le Ségur de la Santé génère des mécontentements légitimes, que la commission d’enquête révèle une mauvaise gestion du risque épidémique depuis 2012 ?
Les Français ne sont pas dupes.
Avec un délai aussi court entre la commission et la séance, répétant les erreurs de méthode du passé, vous ne créez pas les conditions d’un débat apaisé.
Pourtant, ne devrions-nous pas rechercher le consensus autour de principes bioéthiques qui rassemblent les Français, et réfléchir à rendre encore plus effectifs demain les principes de gratuité, de consentement libre et éclairé, de respect dû au corps humain et à la dignité de chaque personne ? Cela demande du temps et du respect, y compris des parlementaires.
Nous venons de vivre une crise inédite qui a posé des questions éthiques.
Au lieu de nous précipiter à examiner ce projet de loi bioéthique, ne devrions-nous pas prendre du recul ?
D’une part, la question de la pénurie de ressources (des masques, blouses, gants et réactifs…) pendant cette crise du covid-19 devrait nous faire réfléchir sur le monde d’après.
Le comité consultatif national d’éthique avait d’ailleurs évoqué l’enjeu des priorités à définir quand les ressources sont limitées.
Les motifs thérapeutiques vont-ils primer ? Allons-nous faire prévaloir l’éthique de la vulnérabilité dans l’examen des changements souhaités par votre majorité ? Ainsi, les dispositions de votre projet pourraient-elles accroitre des tensions marchandes augmentant le risque de rendre ineffectif le principe de gratuité par exemple ?
D’autre part, la crise sanitaire que nous venons de vivre a souligné notre attachement à nos libertés, au respect de la vie privée. Les dispositions de ce projet ne vont-elles, par exemple, relativiser la notion de consentement libre et éclairé ?
Enfin, cette réflexion sur le monde d’après nous appelle à nous interroger sur notre rapport à la nature humaine, au temps et au travail. A l’heure où l’écologie devient une préoccupation pour un nombre croissant de Français, ne devrions-nous pas mieux respecter la nature humaine, en privilégiant dans nos politiques publiques, en particulier la politique familiale, la procréation naturelle plutôt qu’artificielle ?
Nous avions évoqué ces enjeux il y a 9 mois. Depuis octobre, quelles actions ont été mises en œuvre pour préserver la fertilité, améliorer la politique familiale, sanctionner le tourisme procréatif ou transplantatoire ? Rien, ou presque.
En bioéthique, c’est pourtant l’effectivité des principes qui compte.
En conclusion, il me reste à espérer, mes chers collègues, que nous fassions preuve d’audace afin de tenter de réguler les techniques qui peuvent, dans leurs excès, se révéler irrespectueuses de la dignité humaine, et surtout que nous ayons la volonté indéfectible de défendre et de donner la priorité aux plus vulnérables.
Jusqu’à maintenant, la France avait toujours su défendre une certaine idée de la personne humaine. Il faudrait que nos débats lui permettent de garder ce cap essentiel d’une bioéthique exigeante ce que ne fait pas ce texte. »