Commission des lois – présentation du groupe de travail visant à étudier les suites législatives éventuelles à donner au rapport de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’église
Retrouvez ci-dessous la vidéo de mon intervention reprenant la contribution de mon collègue Xavier BRETON, qui a participé à ce groupe de travail et qui m’a demandé d’intervenir pour lui car il ne pouvait pas être présent ce 16 février.
“Merci Madame la Président,
Messieurs les coordinateurs,
Chers Collègues,
On m’a demandé de vous lire la contribution de Xavier BRETON, qui ne peut être parmi nous aujourd’hui, ce que je fais bien volontiers.
Nous avons tous en mémoire l’audition devant notre commission de Jean-Marc Sauvé, le 20 octobre dernier.
Il avait alors indiqué, qu’à ses yeux, les recommandations de la CIASE n’appelaient pas d’évolution législative.
Ceci étant dit, il était normal que notre assemblée se fasse elle-même son idée sur ce point.
C’est dans ce sens que notre groupe a participé à ce groupe de travail coordonné par nos collègues Pierre Morel-à -L’huissier et Alain Tourret.
Notre travail a été avant tout un travail technique.
C’est ainsi que nous ne sommes pas rentrés dans l’appréciation de ce rapport et de ses recommandations, tant au niveau de leur pertinence que de la méthodologie utilisée.
Notre objectif initial était simplement d’étudier si la mise en œuvre des 45 recommandations nécessitait, ou non, une modification de notre législation.
En nous réunissant la première fois, chaque membre du groupe de travail avait, sans doute, une attente différente, en fonction de sa connaissance du dossier, mais aussi en fonction de sa sensibilité.
Ces différences se sont atténuées au fil des auditions, mais il en reste sans doute alors que notre groupe de travail présente ses réflexions.
Pour ma part, je retiendrai que, contrairement à ce que nous pouvions penser a priori, la question centrale n’est pas d’envisager de nouvelles dispositions législatives pour mettre en œuvre le rapport de la CIASE.
En fait il nous faut avant tout comprendre, et peut-être admettre, que ces recommandations viennent apporter elles-mêmes une réponse alternative à notre état de droit.
Un état de droit certes fort de ses principes, mais au bout du compte inopérant pour mettre en place le travail de réparation tel que l’envisage l’Eglise de France.
Les auditions ont en effet bien montré que les mécanismes de justice restaurative envisagés ne viennent finalement que proposer une voie différente à celle de notre droit, en raison de deux principes : la présomption d’innocence et la prescription.
En effet c’est bien parce que l’Eglise de France veut avant tout prendre en compte la parole des victimes, leurs souffrances, qu’elle ne peut pas attendre un jugement définitif avant de reconnaître la nécessité d’une réparation.
De même, c’est parce qu’elle veut prendre en compte toutes les victimes, que l’Eglise de France ne peut pas rentrer dans une logique de prescription des faits qui exclurait certaines de ces victimes.
Ce positionnement de l’Eglise peut nous inviter à nous interroger sur notre droit : serait-il trop protecteur des auteurs de faits criminels, en les présumant innocents jusqu’à un jugement, et on sait que ce temps est parfois long, ou en les exonérant de toute sanction en raison de la prescription des faits ?
La question est bien entendu posée.
Pour Xavier Breton, il lui semble que nous devons rester attachés à ces principes en nous méfiant d’une évolution où la culpabilité serait prononcée a priori et à tout moment, sous le coup de l’émotion ou de la partialité. Concernant mes recommandations qui n’ont pas été discutées par le groupe de travail, autant Xavier Breton se retrouve dans les propositions 3/4/6/7, autant celles 1/2/5 posent questions et méritent un travail concerté d’approfondissement. Il est disponible pour y travailler les prochains mois. La réflexion et la concertation doivent se poursuivre avec les parties prenantes.
Pour en revenir au rapport de la CIASE, nos préconisations doivent avant tout s’attacher à vérifier la faisabilité des mécanismes de justice restaurative retenus, et, le cas échéant, à proposer les aménagements nécessaires.
Je voudrais enfin indiquer que nos réflexions ne peuvent se limiter au seul périmètre du rapport Sauvé.
Comment, en effet, pouvons-nous lire et entendre que, chaque année, il y a 160 000 nouvelles victimes de violences sexuelles, dans leur famille, à l’école, dans un club ou dans une structure collective ?
Comment pouvons-nous entendre ces chiffres sans nous mobiliser sur cette grande cause de la protection de l’enfance ?
Bien entendu, comme pour l’église et comme pour les prêtres, ce ne sont pas tous les parents, tous les enseignants, tous les encadrants qui se rendent coupables de ces violences, loin, très loin de là, et fort heureusement.
Mais nous ne pouvons accepter plus longtemps l’hypocrisie de notre société et de notre État qui ferment trop vite et trop souvent les yeux sur ces drames.
Je vous remercie pour votre attention.”