Présentation du rapport d’évaluation à 3 ans de la loi ELAN
En qualité de co-rapporteur, je suis intervenu ce mercredi 23 février 2022 en commission des affaires économiques pour présenter notre rapport d’évaluation de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.
Retrouvez ci-dessous la vidéo 🎥 de mon intervention ⬇
« Monsieur le président,
Mes chers collègues rapporteurs,
Trois ans après la remise de notre rapport d’application à six mois de la loi Élan, réalisé avec mon collègue lorrain Richard Lioger, lui pour la majorité, moi pour l’opposition, nous nous sommes bien volontiers remis à la tâche pour essayer d’évaluer sur un temps plus long les impacts de cette loi avec l’appui de nos administrateurs Montin et Slama. Vous le savez, nous n’étions pas d’accord sur tout au moment de l’examen de ce texte, mais les objectifs initiaux visent à répondre aux besoins de notre pays ne pouvaient que nous rassembler pour essayer de relever ces défis avec l’ensemble des parties prenantes.
Trois ans plus tard, nous avons la possibilité d’en faire une première vérification. Je dis première, car en termes d’urbanisme et d’aménagement trois ans sont peu de chose. Une ZAC typique peut bien durer dix ans, donc la temporalité de l’évaluation est assez mal calibrée, et en vérité la majorité aurait dû prévoir un exercice d’évaluation systématique pour cette loi, tous les cinq ans peut-être, comme nous l’avons ajouté pour le régime d’artificialisation issu de la loi Climat.
Globalement, et vous le verrez aisément à la lecture de la première partie de notre rapport, cette loi peut être considérée comme un assemblage de dispositions, certes hétéroclites, mais qui étaient censées fonctionner ensemble pour relancer la construction et permettre, comme le disait à l’époque le ministre Denormandie, de « construire plus, mieux et moins cher ».
Alors, on peut discuter du mieux – même si les architectes que nous avons rencontrés au cours de cette mission n’en semblaient pas convaincus – mais en tout cas il est parfaitement clair qu’on ne construit aujourd’hui, ni davantage, ni moins cher qu’il y a trois ans. Sous ce point de vue, nous sommes donc bien obligés de conclure à l’échec du texte.
Qu’il y ait eu des circonstances atténuantes, je veux bien l’admettre : le cycle électoral municipal et la crise sanitaire n’ont pas été très favorable au bon déroulement des projets de construction même si le choc d’offre n’avait pas eu lien avant même ces évènements de 2020.
Au-delà des circonstances dont on peut discuter, il faut admettre que les personnes que nous avons auditionnées n’avaient pas grand-chose de positif à dire sur le contenu de la loi – en tout cas sur les dispositions en matière d’aménagement et d’urbanisme dont je me suis particulièrement occupé. Je citerai les aménageurs, qui nous ont expliqué qu’au lieu du « choc de simplification » tant vanté à l’époque, il n’y avait eu « ni choc ni simplification » et qu’on avait plutôt eu droit à une « chape de complexification » !
En effet, l’accélération de l’instruction des permis de construire n’a pas encore réellement abouti, et la simplification de l’évaluation environnementale est combattue à chaque instant par les mesures d’application prises par le ministère de la transition écologique – c’est le cas, tout récemment, de la « clause filet » qui a pour but de contraindre même les projets de petite taille à être évalués en termes d’impact environnemental.
D’autres dispositifs, même si elles ont correspondu à une idée positive, ont témoigné d’une timidité et d’un incrémentalisme qui confine parfois à l’immobilisme. Il en est ainsi du permis d’innover, qu’il s’agissait d’encourager et que la loi Élan a donc étendu aux grandes opérations d’urbanisme –catégorie nouvelle, les GOU – inventées par la loi et aux secteurs d’intervention des ORT.
Problème : les GOU ont elles-mêmes un champ tellement réduit qu’elles n’ont été mises en œuvre qu’à deux reprises à ce jour. De ce fait, le permis d’innover n’a connu que peu d’applications – deux, pour être précis. Le choc de l’innovation attendra !
Mais le permis d’innover a été battu par le permis d’aménager multi-sites, mis en œuvre… zéro fois, du fait notamment d’un champ d’application, là encore, très restreint.
Les récentes lois Climat et 3DS ont revu par petites touches les périmètres d’application de ces divers dispositifs – tantôt on élargit aux secteurs d’intervention des ORT, puis à tout le périmètre de l’ORT, ou au périmètre des GOU, puis aux périmètre des PPA. Tout cela est très lent et manque de clarté.
En traçant ce tableau forcément à grands traits, je ne voudrais pas donner l’impression qu’il n’y a rien eu de bon dans ce texte : c’est pourquoi je veux parler à présent des opérations de revitalisation de territoire – les ORT – dont nous avons tous entendu beaucoup parler.
Elles ont plutôt trouvé leur public et été bien accompagnées financièrement en ingénierie et en investissement public par les programmes déployés par le Gouvernement. Nous avons tous des exemples de communes et d’intercommunalités qui se sont saisies de cet instrument et qui ont reçu un soutien utile dans ce contexte. Là encore, il y a des choses à améliorer : le Denormandie dans l’ancien, par exemple, est un échec : moins de 200 dispositifs déployés l’an dernier. Les investissements privés se font attendre. D’autres volets ont mieux fonctionné, comme la prolongation des opérations programmées d’amélioration de l’habitat, les OPAH mais cet outil existait déjà et leur prolongation était attendue sans les ORT.
Globalement les acteurs que nous avons entendus ont parlé en termes positifs de l’apport des ORT, et plusieurs ont souhaité une extension du périmètre. Je mets en garde tout de même contre le risque véritable, augmenté par les politiques de cette majorité, de voir se mettre en place une France à deux vitesses : les communes qui ont signé des conventions avec le Gouvernement, qui bénéficient de toutes sortes de dispositifs dérogatoires, notamment sur le plan fiscal et financier, et les autres.
Comme les ORT, les projets partenariaux d’aménagement – les PPA – même après un retard à l’allumage, sont un outil plébiscité par les collectivités, et qui est en train d’être intelligemment adapté pour faire face à de nouveaux défis, comme la recomposition des territoires exigée par le recul du trait de côte.
Pour finir, je voudrais dire quelques mots justement des dispositions qui concernent la loi Littoral, qui avaient été ajoutées en cours d’examen à l’Assemblée. Elles poursuivaient un but louable – mieux maîtriser l’urbanisme en étalement dans les communes littorales.
Cependant, la pratique a montré qu’elles ont pu susciter – notamment s’agissant de la suppression du hameau nouveau intégré à l’environnement – des problèmes importants dans certaines communes, notamment à La Réunion. J’espère que le Gouvernement prendra au sérieux ces remontées du terrain et prendra les mesures requises pour permettre le développement de ces communes.
Globalement, ces dispositions sont à l’image de la loi : nombreuses, touffues, complexes, et au bilan incertain, en dépit de certaines réussites.
Je vous remercie pour votre attention. »