Commission des affaires sociales du 23 janvier 2023 – intervention de Thibault BAZIN lors de l’audition du gouvernement pour la présentation de sa réforme des retraites via un PLFSS rectificatif

Commission des affaires sociales du 23 janvier 2023 – intervention de Thibault BAZIN lors de l’audition du gouvernement pour la présentation de sa réforme des retraites via un PLFSS rectificatif

24 janvier 2023 Commission - retraite 0

« Merci Madame la Présidente.

Monsieur le Ministre,

Vous venez nous présenter votre projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2023, qui se décline en 84 pages reçues à 12h40 ce jour.

Un PLFSS est toujours l’occasion, au regard du contexte, de questionner les moyens alloués à notre système de protection sociale.

Or, celui-ci est en danger. Sa pérennité est menacée pour plusieurs raisons :

  • Notre système de santé est en tension, l’assurance maladie au travers des négociations conventionnelles en cours peine à mieux valoriser le travail de nos soignants.
  • La natalité a atteint le niveau le plus bas depuis la fin de la 2ème guerre mondiale, après plusieurs rabots successifs ces dix dernières années. Ce déclin démographique est alarmant.
  • Les déficits budgétaires s’accumulent. Et les prévisions sont très inquiétantes pour les retraites avec un déficit qui devrait atteindre 14 milliards en 2030. La nouvelle génération perd confiance en l’avenir de notre système, et peut-être même dans la Nation. Les jeunes doutent de la transmission. C’est un défi majeur.
  • L’inflation actuelle menace le pouvoir d’achat, préoccupation principale de nos concitoyens en ce moment. C’est la raison pour laquelle il nous faut nous adapter à ces réalités.
  • Enfin, nos compatriotes attendent légitimement davantage de justice sociale, que le travail soit vraiment mieux valorisé que les allocations sociales, que les fraudes soient mieux combattues.

Ce contexte étant rappelé, vous proposez de rectifier le budget de la sécurité sociale pour 2023 en le résumant à la seule branche vieillesse. C’est une erreur.

Bien sûr, la population vieillit et le rapport entre le nombre de retraités et le nombre de cotisants évolue défavorablement. Il nous faut préserver ce pouvoir d’achat non seulement des actifs mais aussi des retraités. C’est pourquoi il faut prendre des mesures, les plus justes possibles, pour éviter une baisse du niveau de vie des retraités d’aujourd’hui comme de demain, sans altérer le niveau de vie des actifs. C’est pourquoi nous pensons que des mesures doivent être prises pour éviter l’augmentation des cotisations et la diminution des pensions.

Mais notre système de retraite par répartition, qu’il nous faut préserver, dépend avant tout du renouvellement des générations. Or rien ou presque à part la prise en congés parentaux pour les carrières longues n’est prévu pour restaurer une politique familiale ambitieuse. L’équilibre durable passe pourtant par un réinvestissement dans la branche famille. Dans quelle mesure êtes-vous prêts à rétablir un véritable soutien aux familles de classe moyenne qui travaillent ?

Vous semblez renvoyer à plus tard la mise en œuvre de l’universalité des droits conjugaux et familiaux alors qu’il n’y a pas moins de 11 systèmes différents de pensions de réversion, que les fonctionnaires n’ont pas les mêmes droits familiaux que les salariés du privé. Pour que la réforme soit équilibrée, il ne faut pas renvoyer à plus tard ces mesures attendues.

Et ces reports n’augurent rien de bon quand on constate votre report depuis des années d’une loi sur le « grand âge », même si l’attribution à l’article 12 de nouveaux droits pour les aidants est un bon pas.

Quand on réforme dans un tel contexte, il faut veiller aussi à l’acceptabilité sociale.

Or, votre projet impacte ceux qui devaient partir cette année à partir du 1er septembre. Il serait judicieux que cette réforme ne se mette en place qu’à partir du 1er janvier prochain permettant de la visibilité à ceux qui vont partir en retraite. Et que les systèmes d’informations soient aussi prêts pour garantir une fiabilité des calculs des pensions alors qu’on constate déjà actuellement un nombre trop important d’erreurs dans la liquidation, bien souvent au détriment de l’assuré.

Il faut également être juste envers ceux qui ont commencé tôt, qu’ils puissent partir plus tôt s’ils le souhaitent. Or, avec votre réforme, ceux qui auront commencé à 20 ans après 1971 sans interruption vont devoir cotiser 44 années contre 43 pour ceux qui ont commencé à 21 ans. Nous porterons des amendements pour corriger cette injustice.

Concernant les retraités actuels aux carrières complètes qui ont travaillé toute leur vie mais bénéficient de petites pensions, nous vous avons demandé de les revaloriser. Pour y répondre, vous avez annoncé à l’article 10 une revalorisation autour de 85% du SMIC net. Mais vous avez précisé page 43 que pour en bénéficier, il faudrait avoir cotisé à – je cite – « un revenu équivalent au SMIC ». Or bon nombre de ceux-ci n’ont pas toujours eu de tels revenus, ce qui explique d’ailleurs leur petite pension actuelle, alors qu’ils n’ont bien souvent pas compté leurs heures. Je pense notamment aux indépendants. Le compte n’y est donc pas à ce stade. Il faut corriger cela, sinon beaucoup seront légitimement déçus.

Valoriser le travail d’hier, d’aujourd’hui et de demain : voilà un objectif qui doit accompagner le souci d’équilibre budgétaire mais surtout le souci que les efforts soient justes, et pour tous.

Nous souhaitons ainsi un renforcement de la lutte contre les fraudes, notamment aux pensions versées à l’étranger. C’est une question de justice sociale.

Il faudra aussi s’assurer que les cotisations pour les retraites aillent aux retraites. C’est la raison pour laquelle nous avons exigé l’annulation du transfert du recouvrement des cotisations AGIRC-ARRCO, que la majorité avait refusée l’automne dernier en votant contre nos amendements. L’article 3 en faisant « en marche arrière » y répond et c’est très bien ainsi, tout comme la prise en compte des TUC à l’article 11.

Nous croyons enfin en la liberté, celle de pouvoir continuer à travailler, celle d’organiser sa fin de carrière de manière plus souple. Vous prévoyez des assouplissements. Mais cela semble insuffisant. Nous porterons des amendements pour vraiment améliorer la retraite progressive et le cumul emploi retraites.

Pour conclure, je forme le vœu que nos travaux en commission et en séance permettent de corriger et compléter ce PLFSS rectificatif afin d’assurer l’avenir de notre système de protection sociale, de le rendre plus juste par la valorisation du travail, de garantir son équilibre et surtout de restaurer en lui la confiance des nouvelles générations. Il en va de la cohésion nationale, de la cohésion intergénérationnelle. »

 

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