Réunion de la commission des affaires sociales relative à l’examen de la pétition du 2 octobre 2022 portant sur l’allongement du congé maternité

Réunion de la commission des affaires sociales relative à l’examen de la pétition du 2 octobre 2022 portant sur l’allongement du congé maternité

13 juillet 2023 Commission - santé 0

Retrouvez mon intervention sur la réunion de la commission des affaires sociales relative à l’examen de la pétition du 2 octobre 2022 portant sur l’allongement du congé maternité :

“Madame la présidente,

Chers collègues,

Les articles 147 à 151 de notre règlement permettent à nos concitoyens d’appeler l’attention du Parlement, par une pétition, sur une évolution souhaitable du droit ou sur un sujet particulier. Depuis le 1er septembre 2019, les pétitions sont directement envoyées à chaque commission compétente, qui peut décider de les examiner ou de les classer. La pétition que nous allons discuter ce matin, qui porte sur l’allongement du congé de maternité, a été renvoyée à notre commission et j’ai l’honneur d’en avoir été nommé le rapporteur.

Avant d’entrer dans le vif des sujets abordés par la pétition, je souhaiterais remercier son auteure, Mme Gladys Anthoine, avec laquelle j’ai eu le plaisir d’échanger en amont de cette réunion de commission, pour son travail et son implication immenses qui portent beaucoup de fruits. La pétition a recueilli à ce jour plus de 44 100 signatures, c’est dire combien la question du congé de maternité préoccupe nos concitoyennes et concitoyens et combien nous sommes attendus sur ce sujet.

  • La pétition présentée aborde la question de la faible durée du congé de maternité et requiert son allongement, dans l’intérêt de l’enfant, de la mère et de la société. En effet, aujourd’hui, le congé de maternité pour les deux premiers enfants est de 16 semaines (avec un congé prénatal de 6 semaines et un congé postnatal de 10 semaines). Il est de 26 semaines à partir du 3ème enfant. La France, figure parmi les pays à durée relativement courte, avec l’Allemagne (14 semaines), la Belgique, le Portugal et la Slovénie ou encore l’Islande. A l’inverse, la République tchèque propose 28 semaines de congés, la Hongrie, 24 semaines, l’Italie, 5 mois. Au Royaume-Uni, les mères peuvent prendre jusqu’à 52 semaines de congés. De nombreux pays offrent quant à eux des congés parentaux avantageux, à l’instar de ce qui existe en Suède, qui offre la possibilité à la mère ou au père de prendre un congé de 16 mois, rémunéré à 80 % du salaire (dans la limite d’un plafond d’environ 2500 euros par mois). Or, alors même que notre congé de maternité est relativement court, le congé parental que nous proposons en France n’est absolument pas satisfaisant. Ce congé est en effet très mal rémunéré et par définition, réservé aux familles aux revenus confortables : le montant net de la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PREPARE) est aujourd’hui seulement de 428,71 euros. Surtout, la réforme de 2014, qui avait vocation à améliorer l’égalité entre les femmes et les hommes en soumettant le fait de pouvoir bénéficier de cette prestation jusqu’à sa durée maximale, au partage de la prestation entre le père et la mère, constitue un véritable échec. La réforme a engendré une baisse du recours à cette prestation (272 000 bénéficiaires fin 2018, soit 43 % de moins que les bénéficiaires de la précédente prestation en 2014). La part des pères dans la population percevant cette prestation n’est par ailleurs passée que de 3 à 6,2 % entre 2014 et 2018 et leur nombre a même diminué en valeur.
  • Les modalités actuelles du congé de maternité et les nombreuses limites du congé parental impliquent dès lors dans la majorité des cas, un retour de la mère au travail aux 2 mois et demi de l’enfant. La pétition que nous étudions aujourd’hui met l’accent sur les conséquences délétères de la faible durée du congé de maternité pour la santé de la mère et de l’enfant.

S’agissant des enfants d’abord, il est aujourd’hui acquis que la présence parentale est fondamentale dans les premiers mois de la vie. Ainsi, comme l’indique le rapport sur les 1000 premiers jours de l’enfant, « Il faut du temps et une grande proximité physique et affective pour que l’enfant s’attache solidement à ses parents tout en explorant son environnement et les possibilités qu’il offre. C’est en disposant de ce temps qu’ils pourront soutenir l’établissement d’un lien d’attachement sécure chez leur enfant et accompagner au mieux son développement socio-émotionnel et cognitif. » L’inspection générale des affaires sociales met quant à elle en garde contre les risques d’une sur sollicitation liées à l’accueil collectif s’il intervient à un trop jeune âge : réduction de l’attachement parent-enfant, réduction de l’interaction enfant-adulte si le nombre d’enfants par adulte est plus élevé qu’au sein de la famille, interaction stressantes avec d’autres enfants…

La reprise du travail dans un délai très court après l’accouchement peut par ailleurs être dommageable pour la santé physique et mentale des mères. Deux mois et demi après l’accouchement, de nombreuses femmes sont dans un état de fatigue qui rend parfois impossible la reprise d’une activité professionnelle. Un nombre très faible d’entre elles a par ailleurs eu le temps d’effectuer les rééducations prescrites à la suite de la naissance de l’enfant. La séparation avec l’enfant peut quant à elle être vécue de manière très douloureuse et de nombreux professionnels de santé signalent la multiplication de dépression post- partum causées par cette séparation précoce. S’agissant enfin de l’allaitement, nous constatons là aussi des injonctions contradictoires pesant sur les mères : d’un côté, l’on n’a jamais autant vanté les vertus de l’allaitement maternel et l’organisation mondiale de la santé (OMS) recommande ainsi d’allaiter au moins jusqu’aux 6 mois de l’enfant. De l’autre, la date précoce de reprise du travail induit une anticipation de la séparation et de ce fait un arrêt de l’allaitement à 7 semaines en France.

  • Nous avons, je le crois, réalisé des progrès importants ces dernières années au sujet de la prise en compte des besoins de l’enfant et des parents dans les premiers mois après la naissance, mais sans être allés suffisamment loin. Nous avons allongé le congé de paternité, sans revoir la durée du congé de maternité ; nous avons mis en place des dispositifs visant à détecter et mieux prendre en charge les dépressions post partum comme l’entretien postnatal systématique, mais nous ne nous sommes pas vraiment interrogés sur le lien entre le développement de ces maladies et la reprise précoce du travail. Encore une fois, les modalités et caractéristiques du congé de maternité relèvent de la santé publique : n’oublions pas que les indemnités journalières du congé de maternité sont prises en charge par la branche maladie !

 

  • La pétition dont nous discutons aujourd’hui pose donc un constat sans appel et c’est pourquoi je vous propose de ne pas la classer. Nous devons nous interroger véritablement sur cette question de la durée du congé proposé aux mères, qui pourrait passer soit par un allongement du congé de maternité, soit par une refonte du congé parental d’éducation. Je souhaite rappeler à cette occasion que nous avons déposé, avec plusieurs membres de mon groupe, une proposition de loi visant à offrir aux parents le choix entre un congé parental court (de six mois à un an) mieux rémunéré (à savoir 67 % du salaire avec un plafonnement, comme le propose l’OFCE) et un congé parental long de trois ans avec une rémunération supérieure à celle offerte actuellement (la moitié du smic au lieu du tiers), sur le modèle de ce qui existe dans de nombreux pays européens. Nous devons également nous intéresser aux « oubliées du système » : les mères qui sont par exemple à leur compte et pour lesquelles les conditions actuelles du congé de maternité ne sont pas nécessairement adaptées. Je ne peux enfin m’empêcher de conclure que nous devons réfléchir collectivement au modèle de politique familial que nous voulons promouvoir et à l’importance de défendre son caractère universel, à un moment où le taux de natalité en France n’a jamais été aussi bas depuis la Libération.

Je vous remercie.”

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