Nouvelle lecture de la proposition de loi visant au maintien provisoire du plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs
Retrouvez ci-dessous la vidéo de mon intervention sur nouvelle lecture de la proposition de loi visant au maintien provisoire du plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs :
“Merci Madame la Présidente, Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président de la commission des affaires économiques,
Monsieur le Rapporteur, Mes chers collègues,
Nous examinons en nouvelle lecture la proposition de loi visant à maintenir, pendant une année supplémentaire, le plafonnement de la revalorisation annuelle des indices locatifs après que le Sénat l’a rejetée en séance publique et en Commission Mixte Paritaire. Pourquoi ce rejet en première lecture ?
Les sénateurs ont d’abord mis en avant un problème de méthode. Ils ont dressé le « quintuple constat d’une impréparation, d’une précipitation, d’une absence d’évaluation, d’un manque de concertation et d’un non-accompagnement financier des acteurs », pour reprendre les mots de la rapporteure, Mme Estrosi Sassone. Nous vous avions d’ailleurs alertés sur ces points en première lecture ici même. Le groupe Les Républicains regrette ainsi le manque d’anticipation qui entoure ce texte et qui nous oblige à l’examiner dans la précipitation par le biais d’une procédure simplifiée.
Le gouvernement semble s’être aperçu tardivement que le plafonnement à 3,5% de la variation de ces indices, que nous avions voté dans le cadre de la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, allait s’éteindre ce 30 juin. Ce n’est pas très sérieux.
Ce texte est surtout révélateur de l’incapacité du Gouvernement à répondre à des questions essentielles. Où est l’évaluation des mesures prises l’an dernier ? Pas de réponse. Ce n’est pourtant pas anodin, car le coût du plafonnement de la hausse de l’IRL pour les propriétaires avait été évalué à 705 millions d’euros pour 2022. À combien s’est élevée, dans les faits, l’augmentation des loyers des locaux commerciaux ? Pas de réponse. Quels sont les coûts et les conséquences de ces mesures pour les propriétaires privés et les bailleurs sociaux ? Pas davantage de réponse. Comme l’a dit la présidente de la commission des affaires économiques du Sénat Sophie Primas, « vous nous demandez de voter non seulement à la sauvette, mais aussi à l’aveuglette ».
Cela étant déploré sur la forme, venons-en au fond.
Vous nous proposez concrètement de renouveler, pour une durée de douze mois, le plafonnement de la revalorisation de l’indice de référence des loyers à 3,5% alors que la hausse de l’IRL avoisine 6%. Pour ne pas tromper les Français, il convient de préciser qu’il s’agit d’un plafonnement à 3,5% non pas sur 2 ans mais qui s’applique chaque année.
Face à une inflation persistante, nous partageons l’idée que les familles et les commerçants doivent être protégés et accompagnés. Oui, il faut agir.
Mais nous émettons pour autant certaines réserves. Il nous faut rechercher une répartition la plus juste de l’effort en veillant à ne pas trop complexifier un secteur déjà bien malmené.
En effet, si votre plafonnement de la variation de l’IRL permet à première vue de protéger efficacement les locataires, il fait fi de l’inflation que subissent aussi de leur côté les bailleurs, bailleurs privés comme sociaux, petits ou gros. Loin des idées reçues, ces bailleurs peuvent aussi être des propriétaires modestes, qui mettent en location un bien durement acquis, et qui devront par ailleurs faire face à de coûteux travaux énergétiques dans les prochaines années s’ils veulent maintenir ce bien dans le parc locatif. Ils ont parfois contracté des emprunts. Le coût de la dette comme des travaux augmente. Il en va de même pour les taxes foncières. Nous ne pouvons pas le nier. Il faut aussi le prendre en compte.
Face à l’inflation, nous souhaitons, comme vous, protéger les locataires, mais il faudrait aussi accompagner les propriétaires.
Il serait par exemple intéressant de prévoir de manière corolaire des compensations de ces pertes de recettes pour les bailleurs. Cela pourrait prendre la forme de réduction d’impôts.
Car, au moment où notre pays est confronté à une crise du logement qui se traduit par une demande croissante de logements, à la fois quantitative et qualitative, il faut avoir conscience que ce plafonnement, qui n’est ni plus ni moins qu’une perte de recettes potentielles pour les bailleurs, va les contraindre dans leurs capacités de construction et de rénovation. Ne risque-t-on pas de pousser les bailleurs à reporter des travaux, notamment énergétiques, qui permettraient de baisser les charges des locataires par la suite ? Attention donc à ne pas poursuivre des objectifs contradictoires ! Ne risque-t-on pas de décourager les investisseurs dans la pierre ? Alors que si on encourageait davantage la construction et la rénovation, on augmenterait l’offre de logements, ce qui diminuerait la pression immobilière au bénéfice des locataires.
Par ailleurs, il nous semble que votre texte souffre de quelques lacunes qui pourraient l’empêcher, opérationnellement, de protéger tous nos petits commerçants. En effet, vous entendez plafonner d’une part l’Indice de référence des loyers (IRL) et d’autre part l’Indice des loyers commerciaux (ILC).
Autrement dit, vous ne faîtes pas mention de l’Indice du coût de la construction des immeubles à usage d’habitation (ICC) qui est pourtant aussi utilisé dans les baux commerciaux pour encadrer la revalorisation des loyers. Ne serait-il pas opportun de corriger cette omission qui pourrait entraîner de vraies inégalités de traitement et un fort sentiment d’injustice ?
Par ailleurs, en prolongeant purement et simplement le dispositif actuel, vous faites l’économie d’une évaluation des effets constatés après la mise en œuvre de ce plafonnement. Combien de logement ont été sortis du marché locatif classique ? Combien de logements ont vu leur projet de rénovation reporter ? Bien sûr l’accès au crédit joue également. Il dépend de la capacité financière des acteurs et des règles en vigueur qu’il conviendrait de modifier.
Pour conclure, Les députés Les Républicains soutiendraient les mesures pour protéger les locataires face à l’inflation, en espérant que la navette parlementaire permette d’améliorer cette proposition de loi.
Il nous reste quelques jours, d’ici au 30 juin, pour bâtir le dispositif le plus équilibré possible afin d’accompagner également les propriétaires face à l’inflation et relever le défi de la transition énergétique. Il y a urgence à agir et il faudra d’autres mesures que celles prévues par cette proposition de loi.”