Crise du logement

Crise du logement

29 novembre 2023 Commission - logement 0

A l’occasion de la journée annuelle d’initiative parlementaire pour mon groupe, j’ai eu l’honneur de présenter en commission des affaires économiques le mercredi 29 novembre 2023 une proposition de loi portant mesures d’urgence pour remédier à la crise du logement.

Retrouvez ci-dessous la vidéo de mon intervention liminaire avant l’examen des amendements. Hélas, seuls 3 articles sur 12 proposés (hors gage) ont été retenus par la commission dont 1 en amenuisant sa portée. J’espère qu’en séance le sort sera différent le jeudi 7 décembre prochain.

« Monsieur le Président, Mes chers collègues,

« Nous vivons une triple crise de l’immobilier : une crise de l’offre de logements, une crise de la demande de logements, et une crise de l’accès au logement. » Ces mots, recueillis par l’Express le 26 novembre dernier, ne sont ni les miens ni ceux des professionnels de la filière. Ce sont ceux du ministre en charge du logement.

Nous connaissons les raisons de cette crise : l’augmentation rapide des taux d’intérêt passés à moins de 1 % en décembre 2021 à près de 4 % en octobre 2023. Cette baisse du pouvoir d’achat immobilier est à mettre en miroir avec les prix qui baissent peu, notamment dans le neuf qui subit la hausse du coût des matériaux, le niveau élevé des prix du foncier ainsi que les surcoûts liés à l’instauration incessante de nouvelles normes. A cette crise de la demande, s’ajoute une crise de l’offre plus structurelle : mise en œuvre du ZAN dans les territoires ruraux, densification moins bien acceptée dans les centres urbains, etc.

Cet affaissement du marché de la vente, notamment pour le neuf, qui est pourtant le plus performant du point de vue énergétique, a des conséquences en cascade sur le marché de la location : nos étudiants ne trouvent plus d’appartements à louer, les files d’attente pour obtenir un logement social ne cessent d’augmenter, etc. Les propriétaires, inquiets par le risque de plus pouvoir louer leur logement en raison du calendrier de mise en œuvre des critères de décence énergétique sont de plus en plus nombreux à jeter l’éponge.

Le diagnostic est posé. Et je crois que nous sommes tous conscients de cette réalité. Mais dans ce cas, comment comprendre que les principales mesures du Gouvernement et de cette majorité ne font qu’aggraver la crise ?

Comment comprendre l’extinction programmée du dispositif « Pinel », accusé de tous les maux, alors que la crise du neuf s’explique pour une majeure part par la disparition des investisseurs particuliers ? Comment comprendre le recentrage du PTZ et l’exclusion des maisons individuelles pour le neuf, un dispositif qui excluera des centaines de milliers de ménages dans les zones rurales et périurbaines et aboutira, selon les prévisions de la SGFGAS, à une émission de seulement 40 000 prêts en 2024 contre 122 000 en 2017 ? Comment comprendre que le Gouvernement refuse le rétablissement des APL accession, pourtant soutenu majoritairement au sein de notre assemblée ? Comment comprendre que le Gouvernement maintienne un calendrier de mise en œuvre des critères de décence énergétique alors que les propriétaires, notamment dans les copropriétés, sont dans l’impossibilité de mener des travaux de rénovation et que le marché locatif n’a jamais été aussi tendu ?

Mes chers collègues, cette PPL propose un chemin diamétralement opposé à celui proposé par le Gouvernement : en temps de crise, on soutient un secteur, on ne l’enfonce pas. On n’adopte pas des mesures procycliques qui aggravent la crise. Il ne s’agit pas seulement de soutenir des entreprises du bâtiment, dans la promotion, au sein des études notariales ou des agences immobilières, quoique plusieurs dizaines voire centaines de milliers d’emplois sont en jeu, mais plus fondamentalement de répondre aux aspirations légitimes et fondamentales des Français dont le parcours résidentiel a été interrompu brutalement.

Dans ce contexte, la PPL que je vous présente n’a pas vocation à transformer la politique du logement de fond en comble. Elle vise juste à apporter des solutions de court terme afin de ne pas voir s’effondrer tout un secteur et anéantir les espérances des Français qui veulent pouvoir se loger facilement et, pour un certain nombre d’entre eux, d’accéder à la propriété.

Les trois premiers articles de ma PPL ont trait à la rénovation énergétique.

L’article 1 part d’un présupposé simple : les copropriétés n’arriveront pas à respecter le calendrier fixé par la loi Climat et résilience. On en connaît les raisons : des aides de l’ANAH illisibles et insuffisantes pour les copropriétés, le fonctionnement propre des copropriétés qui induit un certain temps pour mettre en œuvre les travaux, l’absence de solidarité entre copropriétaires qui n’ont pas tous la même classe de performance énergétique. De deux choses l’une : soit on fonce dans le mur, et des dizaines de milliers de logements sortiront du marché locatif à partir du 1er janvier 2025 en attendant qu’ils soient rachetés par des fonds d’investissement – c’est j’ai l’impression ce que souhaite cette majorité – soit on abandonne toute ambition en matière de rénovation énergétique. En proposant de suspendre le caractère d’indécence énergétique en cas d’adoption d’un plan pluriannuel de travaux suffisamment performants, nous pouvons faire le choix de l’ambition et du réalisme. Les propriétaires doivent s’engager sur un calendrier propre de rénovation mais il faut leur donner du temps. J’entends déjà certains dire que ce n’est pas assez exigeant, que l’adoption d’un PPT n’entraîne pas nécessairement le vote des travaux. Je ferai remarquer que les copropriétaires sont tenus de financer un fonds de travaux lorsqu’un PPT est adopté. Se doter d’un PPT, c’est donc se doter d’un plan de financement pour mener à bien des travaux complexes. Libre à vous chers collègues, de renforcer le dispositif s’il le faut. Le tout est de donner un temps suffisant.

L’article 2 propose de repousser à 2030 la mise en œuvre du calendrier de rénovation énergétique. Là encore, il ne s’agit pas de repousser pour repousser mais de prendre acte de la situation actuelle au-delà de la seule situation des copropriétés. Rien n’est fait pour que les propriétaires puissent engager sereinement des travaux de rénovation : le système d’aide de l’ANAH est illisible et l’Agence connaît des difficultés récurrentes de gestion, la fraude de faux artisans fait la une des journaux, les DPE ne sont pas fiables et rien ne garantit la classe énergétique du logement une fois les travaux réalisés, les entreprises RGE en nombre très limitées. Ce sont autant de problèmes auxquels il faut s’atteler avant d’exiger l’impossible pour les propriétaires. Par ailleurs, je remarque une fois encore la tendance si typiquement française à la surtransposition. La première échéance de nos engagements dans le cadre des objectifs européens est en 2030 : pourquoi imposer à nos concitoyens une échéance préalable alors que rien ne l’exige ?

L’article 3 propose l’instauration d’un crédit d’impôt sur les dépenses de rénovation énergétique : il souligne l’insuffisance des aides de l’ANAH et leur caractère illisible.

II. J’en viens au titre II, qui vise à fluidifier le marché locatif. L’article 4 permet de revenir sur la loi de 1948. Même si les cas sont peu nombreux, certaines familles sont présentes depuis plusieurs dizaines d’années dans un même logement en se transmettant de génération en génération le droit de maintien dans les lieux pour un loyer totalement dérisoire. Cette situation inique envers les propriétaires doit être corrigée, d’autant qu’elle empêche bien souvent de réaliser des travaux de rénovation énergétique ambitieux, qui ne peuvent se faire qu’avec des revenus locatifs suffisants et dans un logement vide. L’article 5 est un article de simplification qui permet d’harmoniser les règles de prolongation du bail en cas de mise en copropriété, avec le droit commun qui s’applique au locataire en cas de vente du logement dans lequel il habite.

III. Enfin, j’en viens au titre 3 qui concentre les principaux dispositifs de la PPL.

L’article 6 propose d’instaurer un crédit d’impôt sur les annuités des emprunts immobiliers des logements neufs soumis à la RE2020 : ainsi, nous soutenons les contribuables mais également les professionnels du logement. Si le dispositif n’est ouvert que pour une année, son coût sera limité et surtout sera compensé par les recettes fiscales générées par les ventes supplémentaires. Encore plus économe, l’article 7 vise à exonérer de frais notaires les premières transmissions à titre gratuit (donation ou héritage) d’un logement acheté de l’automne 2023 à la fin de l’année 2024. A court terme, les recettes fiscales augmentent avec l’achat de logements neufs. La dépense ne se matérialise souvent que des dizaines d’années plus tard au moment de la transmission du bien. C’est une mesure très efficace pour relancer la vente de logements neufs qui est tout simplement en train de s’effondrer et dont le coût est très faible.

L’article 8 propose deux choses : le dézonage du PTZ et l’indexation de ses paramètres. Ce qui est proposé là va dans le sens inverse du détricotage proposé par le Gouvernement. En excluant les zones dites détendues du PTZ dans le neuf et les maisons individuelles, le Gouvernement souhaite tout simplement une baisse importante du nombre de prêts émis. Disons la vérité : les effets de manche de la communication gouvernementale ne trompent personne : la majorité souhaite tout simplement réduire à portion de congrue le nombre de PTZ avec moins de 40 000 prêts émis en 2024 selon les prévisions de la SGFGAS, dans le cadre de la réforme proposée par le Gouvernement. Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, plus de 350 000 prêts avaient été émis en 2011 : à l’époque, on pouvait parler d’une ambition pour l’accession à la propriété.

L’article 9 propose de prolonger jusqu’à 2027 le dispositif Denormandie. S’il devrait sans doute être simplifié au regard du faible nombre de projets menés chaque année, la finalité est la bonne puisqu’il s’agit de rénover un bien existant. Je regrette encore une fois le manque de transparence du Gouvernement qui a refusé de nous transmettre le rapport d’évaluation du dispositif qui devait être communiqué au Parlement avant le 30 septembre 2023. Ce rapport existe pourtant, j’en ai eu confirmation.

L’article 10 propose de généraliser l’expérimentation du « Pinel breton » : tous les acteurs s’accordent à souligner la réussite du dispositif. Tous ! Laisser la possibilité au préfet de région, en accord avec les élus locaux, de choisir les territoires éligibles permet de maximiser le niveau de construction de logements en luttant contre l’étalement urbain tout en proposant des loyers moins élevés aux locataires. L’évaluation de mi-parcours transmise au Parlement en 2022 est claire : le « Pinel breton » constitue un vrai succès. Alors que le ministre en charge du logement ne cesse d’appeler de ses vœux une décentralisation de la politique du logement, n’allons pas chercher très loin : nous avons là un outil qui fonctionne. La déconcentration du dispositif « Pinel » constitue une mesure de bons sens qui a fait ses preuves.

L’article 11 propose, quant à lui, de rétablir les taux du « Pinel » existants jusqu’en 2022. Je rappelle que la baisse de 30 % du nombre de ventes de logements neufs reflète en réalité une baisse bien plus importante du nombre de ventes aux investisseurs particuliers (elle est de 50 %). Les taux proposés aujourd’hui ne sont plus du tout incitatifs. Et surtout le « Pinel +» censé maintenir les taux précédents pour les constructions les plus performantes du point de vue énergétique n’est pas du tout opérant : le respect de la réglementation RE2020, dans sa version en vigueur à partir du 1er janvier 2025, ne permet pas nécessairement d’atteindre la classe de performance énergétique « A », condition nécessaire pour bénéficier des taux bonifiés du « Pinel + ». Résultat, aucun promoteur ne souhaite commercialiser des logements dans l’incertitude du DPE qui sera réalisé au moment de la livraison du logement. C’est un flop !

Enfin le dernier article, l’article 12, permet de rétablir les APL accession. Je rappelle qu’à plusieurs reprises, des amendements ont été adoptés lors de l’examen du PLF pour rétablir les APL accession. Nous pouvons nous retrouver sur les différents bancs de cette commission : les ménages modestes qui travaillent mais ne gagnent pas de très hauts revenus ne doivent pas être exclus de la propriété. La suppression des APL accession en 2018 a été une grande erreur de cette majorité : la part des ménages modestes au sein des primo-accédants n’a pas cesser de baisser depuis ces quatre dernières années selon la Banque de France. Il n’est pas trop tard pour s’en rendre compte. »

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