Examen de la motion de censure du mardi 1er juillet 2025 déposé par les députés du groupe socialiste

Examen de la motion de censure du mardi 1er juillet 2025 déposé par les députés du groupe socialiste

1 juillet 2025 Non classé 0

Retrouvez ci-dessous la vidéo de mon intervention à la tribune de l’hémicycle lors de l’examen de la Motion de censure du mardi 1er juillet 2025 déposé par les députés du groupe socialiste.

« Merci Madame la Présidente,

Monsieur le Premier ministre,

Mesdames et Messieurs les ministres,

Chers collègues,

En ce jour caniculaire, nous voici réunis pour une énième motion de censure, la 8ème en 6 mois !

Mesdames et messieurs les députés du groupe Socialiste, signataires de cette motion, n’avez-vous pas peur de lasser les Français ? Et est-ce le moment de perdre du temps parlementaire précieux ? Vous voulez censurer le gouvernement. Et après ?

N’avez-vous pas appris des conséquences de la censure du Gouvernement de Michel Barnier ? Cette censure du 4 décembre dernier a fait perdre à la France de la croissance économique, a généré de l’instabilité, a freiné les investissements, ce qui a ralenti les embauches et donc entraîné des pertes de recettes pour notre sécurité sociale. Vous en portez avec d’autres la lourde responsabilité.

Je me demande parfois, ce que les mois ont pu changer en vous, pour en arriver à nouveau à voter avec La France Insoumise une motion de censure qui ne ferait qu’affaiblir encore la France, qu’aggraver l’équilibre des comptes de notre pays, notamment sociaux, et pénaliser in fine les Français.

Je me souviens d’un temps, pas si lointain, où un président de la République socialiste déclarait pourtant en 2015 :

« Nous devons [rassurer les jeunes] en montrant la capacité de notre système de répartition à leur verser les pensions auxquelles ils auront droit par leurs cotisations.  C’est la plus élémentaire des précautions et c’est même le respect de la promesse de la Sécurité sociale, […] C’est très important d’avoir cette vision longue […]. »

Fin de citation. On est loin de votre manœuvre tactique du jour.

Mesdames et Messieurs les députés du groupe socialiste, si nous sommes souvent en désaccord, je pensais naïvement que nous partagions a minima un esprit de responsabilité devant les grands défis de notre pays. Je constate, avec regret, que je me suis trompé. Il est encore temps de vous reprendre, en retirant votre motion.

Ou alors ce n’est que faux-semblant, en espérant que votre propre motion échoue ? Ce n’est pas sérieux. Cela étant déploré, abordons le fond de votre motion.

Il est loin le temps où vous défendiez le travail, les travailleurs, le mérite et l’exigence républicaine. Concernant les retraites, il y a même une forme d’hypocrisie de votre part. N’avez-vous pas, sous le quinquennat de François Hollande, augmenté la durée de cotisation en la portant à 43 annuités, revenant in fine à se rapprocher des 64 ans avec ces 43 annuités puisque l’âge moyen d’entrée dans la vie active s’est stabilisé depuis 30 ans autour de 21 ans ? 21 + 43 = 64. Ce qui s’est révélé en fait une terrible machine à décote, sans le dire.  Ne mentons pas à nos concitoyens. Nous leur devons la vérité si on veut préserver le pouvoir d’achat des retraités et le pouvoir d’achat des travailleurs.

Et là vous voulez revenir sur les précédentes réformes. Et vos propositions pour financer ces nouvelles dépenses vont en réalité pénaliser – encore – les travailleurs. En effet, vous voulez augmenter les cotisations patronales en baissant les allègements de charges pour les employeurs, ce qui va diminuer leur compétitivité et ainsi générer des destructions d’emplois. Certains voudraient d’ailleurs augmenter encore les cotisations salariales, ce qui baisserait le salaire net et donc le pouvoir d’achat des travailleurs.

En réalité, la solution est simple : c’est tout le contraire qu’il faudrait faire !

A nouveau, pour reprendre les propres mots du Président François Hollande à l’époque, « il y a des causes démographiques qui nous obligent, d’où le lien qui a été établi entre durée de cotisations et espérance de vie ». En effet, la France au début des années 1970 comptait 4 actifs pour 1 retraité pour équilibrer notre système par répartition, il y a aujourd’hui environ 1,7 cotisant par retraité. La Cour des comptes estime que ce ratio continuera à diminuer jusqu’à 1,54 cotisant par retraité en 2045.

La Cour des comptes l’a rappelé, le déficit de notre système de retraites atteindra 25 à 32 Md€ en 2045. Et ce à périmètre constant, c’est-à-dire en incluant les subventions d’équilibre et surcotisations vieillesse.

Nous devons donc ouvrir les yeux sur l’ampleur du déficit de notre système de retraites.

Face à ces chiffres, il est évident que le déficit s’accélèrera si nous n’agissons pas sur les deux principaux vecteurs assurant la pérennité de notre système par répartition : à savoir le taux d’emploi et le renouvellement des générations.

Pourtant Mesdames et Messieurs les députés du groupe socialiste, dans le texte de votre motion, vous n’évoquez pas les perspectives démographiques essentielles à moyen terme. Or elles sont inquiétantes… le taux de fécondité a chuté en une décennie à 1,6 enfants par femme alors que le désir d’enfant est resté constant à 2,3 enfants par femme. Vous faites diversion avec votre motion de censure. La vérité, c’est que vous avez considérablement malmené et fragilisé notre politique familiale, pénalisant les familles de classe moyenne qui travaillent et ont des enfants à charge.

Sous le quinquennat de François HOLLANDE, vous avez ainsi porté atteinte à un fondement de notre politique familiale depuis 1945, vous avez remis en cause le principe d’universalité. Et les conséquences à moyen terme sont néfastes pour notre système de protection sociale car il repose sur le renouvellement des générations. Monsieur le Premier Ministre, il est urgent de rétablir une véritable politique familiale.

Concernant l’autre vecteur décisif pour l’équilibre de notre système de retraites, à savoir le taux d’emploi, quelle orientation prendre désormais ?

1/ Nous devrions avoir un chiffre en tête : avec le même taux d’emploi que l’Allemagne, nous aurions 15 milliards d’euros de cotisations sociales supplémentaires et 5 milliards de prestations en moins à verser, ce qui représente au total 20 Md€, soit la moitié de l’effort recherché. Voilà le principal défi à relever.

Nous devrions donc dépenser notre énergie, chers collègues, à faire des propositions pour améliorer le taux d’emploi dans notre pays plutôt que de voter des motions de censure.

Je livre ici plusieurs pistes parmi tant d’autres, qui pourraient tout à fait faire l’objet d’une grande loi travail :

  • Déplafonner pour tous le cumul emploi-retraite, pour inclure ceux aujourd’hui limités alors qu’ils ont eu des carrières incomplètes et bien souvent des petites retraites qu’ils ne peuvent améliorer ;
  • Améliorer le taux d’activité des parents avec de jeunes enfants en leur permettant de travailler, s’ils le souhaitent, à temps partiel, plutôt qu’une mise à disponibilité de droit, un choix souvent subi faute d’avoir droit à un temps partiel pour les enfants de plus de 3 ans ;
  • Développer aussi la retraite progressive ;
  • Supprimer également les « trappes à inactivité », qui dissuadent certains Français à temps partiel à accepter d’augmenter leur temps de travail, car ils y perdraient.

Je le dis au Gouvernement, avançons sur ces sujets ! Nous ne devons pas nous cantonner au champ restrictif du budget de la sécurité sociale, mais avoir un débat plus large grâce à d’autres vecteurs législatifs. L’augmentation du taux d’emploi doit être une des priorités de financement de notre système de retraites.

2/ La lutte contre la fraude est également un des grands chantiers, pour toutes les branches de la sécurité sociale y compris la branche vieillesse. C’est une question de justice sociale que vous n’évoquez pas dans votre motion.

Je ne résiste pas à la tentation de citer à nouveau François Hollande :

« La fraude est un mal insidieux car cela fait douter de l’équité de la Sécurité sociale, et fragilise le consentement à la financer. Et c’est la raison pour laquelle la rigueur la plus ferme s’impose contre ceux qui abusent car ils volent bien plus que de l’argent public, ils portent atteinte à l’idée même de la solidarité. »

Je ne saurais m’exprimer plus clairement. Mais ceci étant dit, agissons enfin Monsieur le Premier Ministre !

Le Cour des comptes a récemment noté qu’1,1 million de pensionnés vivent à l’étranger pour 3,9 Md€ versés au régime général. Six pays concentrent 77 % des retraités, soit par ordre d’importance, l’Algérie, le Portugal, l’Espagne, l’Italie, le Maroc et la Belgique. Elle relève que certains pays comme l’Algérie comptent un taux de retraités centenaires plus élevé que dans la métropole.

La Cour a estimé le coût annuel de la fraude entre 40 et 80 M€ pour l’Algérie et autour de 12 M€ pour le Maroc et que « les indus et les fraudes relatifs aux pensions versées à l’étranger devraient faire l’objet d’un suivi et d’évaluations spécifiques, ce qui n’est pas le cas actuellement ».

Il y a donc des marges de manœuvre, pour une meilleure communication entre les organismes et des contrôles renforcés.

Je me cantonne ici à la seule branche vieillesse, mais les chantiers sont immenses par ailleurs, avec plus de 6 milliards d’euros d’indus dans la branche famille par exemple. La complexification et l’empilement des dispositifs augmentent les risques d’indus, c’est la raison pour laquelle nous appelons à la mise en place d’une aide sociale unique, synonyme de simplification.

Monsieur le Premier ministre, un projet de loi sur la fraude sociale serait dans les tuyaux. Vous pouvez l’inscrire pendant la session extraordinaire fin septembre, puisque la PPL sur la proportionnelle est reportée. Avec mes collègues du groupe de la droite républicaine présidé par Laurent Wauquiez, nous soutiendrions cette démarche !

L’année dernière, la plupart des articles sur la fraude sociale dans le PLFSS ont été censurés. Nous devons donc, avant même l’examen au Parlement du PLFSS 2026 agir par le biais de ce projet de loi !

Nous profitons de cette motion de censure pour vous alerter solennellement sur les choix budgétaires à venir. Arrêtons les logiques de rabots aveugles et injustes.

Certes, nous ne souhaitons pas voter une motion de censure, pour ne pas ajouter de l’instabilité au chaos actuel. Mais cela ne signifie pas que nous nous résignons au gel des pensions, ou à des hausses de taxes et de cotisations pour financer un modèle social dont la pérennité est menacée par des déficits croissants.

A la fin, le risque est grand que ce soient les mêmes qui paieront : ceux qui se lèvent tôt, au détriment de ceux qui vivent uniquement des aides sociales. Le risque est grand que, faute de réformes structurelles, ceux qui attendent des revalorisations légitimes s’en voient privés. Il est urgent de créer un véritable écart entre les revenus du travail et ceux qui vivent uniquement des aides sociales.

Nous devons aménager l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour traiter deux grands sujets en amont des prochains budgets : la revalorisation du travail et la lutte contre la fraude.

Tous ces chantiers sont cruciaux, et valent mieux que les effets de manche contenus dans cette motion de censure. Vous dites vouloir, je cite le texte de votre motion, « un retour à l’équilibre de notre système de retraites » qui ne peut se faire « que dans la justice ». Mais alors, travaillons pour équilibrer les comptes non pas en pénalisant ceux qui travaillent ou qui ont travaillé mais en améliorant le taux d’emploi, en réduisant les dépenses inutiles et en évitant les indus. C’est là que réside la véritable justice sociale ! Et il en va de notre cohésion nationale.

Laisser un commentaire