Intervention de Thibault BAZIN lors de l’audition de M. Éric BERR préalable à sa nomination au Haut Conseil des finances publiques

Intervention de Thibault BAZIN lors de l’audition de M. Éric BERR préalable à sa nomination au Haut Conseil des finances publiques

16 septembre 2025 Commission - économie 0

Retrouvez ci-dessous mon intervention lors de l’audition de M. Éric BERR préalable à sa nomination au Haut Conseil des finances publiques par les commissions des finances et des affaires sociales lors de leur réunion conjointe le mardi 16 septembre 2025.

« Monsieur BERR,

Le président COQUEREL a choisi de vous nommer au Haut Conseil des finances publiques. Cela m’a surpris.
La loi organique prévoit que les nominations de ses membres par les autorités parlementaires le sont « en raison de leurs compétences dans le domaine des prévisions macroéconomiques et des finances publiques ».

Si je constate que vos travaux sur la macroéconomie sont nombreux, il m’a semblé, Monsieur BERR, que ces derniers ne permettent pas de vous qualifier de prévisionniste, mais plutôt de commentateur partisan – après tout, l’Institut La Boétie se désigne lui-même comme le « prolongement naturel de la démarche politique qui a toujours été celle des insoumis » et les Économistes atterrés proposent dans leur manifeste de décourager fortement tout ce qui contribue à la prospérité des Nations européennes.

Vos prises de position sur les questions budgétaires, Monsieur BERR, me paraissent à l’avenant et peuvent même en atterrer certains. Je voudrais en donner quelques citations, en particulier dans le champ de la protection sociale, afin que chacun voie de quelle façon votre arrivée au Haut Conseil éclairerait le Gouvernement et le Parlement dans la situation actuelle des comptes de l’État, des collectivités territoriales et de la sécurité sociale.

Dans une note d’avril dernier, vous dénonciez la « diminution drastique de la dépense publique », mais je n’ai pas compris de quel pays vous parliez. Concernant la France, si en tout cas on ne conteste pas les observations de la Cour des comptes, la dépense totale des administrations a progressé de 61,4 milliards d’euros de 2023 à 2024 puis de 42,9 milliards d’euros de 2024 à 2025, tandis que pour 2026 le Gouvernement qui était en place en juillet projetait une nouvelle hausse de 29 milliards d’euros. Je ne croyais pas avoir besoin de rappeler qu’une augmentation un tout petit peu freinée, ce n’est pas une diminution. Dans un ouvrage paru en janvier 2021 aux éditions du Seuil, vous disiez ne pas voir en quoi nos créanciers pouvaient « raisonnablement […] exiger le remboursement de la dette », puis, dans une note de blog d’il y a moins de trois semaines, vous estimiez qu’elle « n’est pas un fardeau pour les générations futures », ne serait-ce que parce qu’en face d’elle il y avait des « bâtiments [et des] routes ». Voilà qui interloque quant à votre considération pour notre souveraineté, en pleine séquence de notation par les agences.

Loin de moi l’idée de défendre sans réserve l’exécutif aux affaires en mai 2024, mais sur le réseau social X vous aviez à cette époque résumé son action à une « destruction de la sécurité sociale ».

Ces excès de langage, ces dénis de la réalité budgétaire, ces jugements caricaturaux, ne sont pas les qualités attendues d’experts dont on attend plutôt davantage de hauteur de vue, davantage de justesse d’analyse.

Votre positionnement est libre et je suis très attaché au débat, mais la controverse à laquelle participe un universitaire et un militant n’a rien à voir avec la responsabilité des membres du Haut Conseil des finances publiques, à savoir apprécier la « cohérence » des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale avec la loi de programmation et le « réalisme » des prévisions de recettes et de dépenses. Votre intention, celle du président Coquerel, est-elle donc de stimuler l’émulation dans ce cénacle ? Ou votre nomination ne risque-t-elle pas de réduire la crédibilité de ses avis ? A moins que votre nomination au Haut Conseil des Finances Publiques change drastiquement votre approche comme semble l’illustrer votre propos liminaire plus posé ? L’habit fait parfois le moine… »

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