Communiqué – Explications de mon vote contre le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé

Communiqué – Explications de mon vote contre le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé

28 mars 2019 Communiqué 0

 

 

 

 

 

Déçu par le projet de loi « santé », malgré quelques bonnes mesures bien accueillies par les professionnels en particulier sur l’exercice coordonné, j’ai voté CONTRE lors du scrutin solennel du mardi 26 mars 2019 pour plusieurs raisons :

  1. Un problème de méthode.

Sur 23 articles, 7 habilitent le gouvernement à légiférer par ordonnances, 2 renvoient une large partie de leur rédaction à des décrets et 2 procèdent à des ratifications d’ordonnances. Autrement dit, la moitié du texte est encore à rédiger.

Rien n’explique pourquoi deux ans auront été nécessaires pour écrire un texte dont les principales mesures sont prévues par ordonnances et décrets.

Les vraies mesures ne seront présentées que 12 à 18 mois après le vote de la loi sous prétexte de devoir mener les concertations.

C’est à se demander ce que font les services du ministère depuis 2 ans.

Habituellement on recourt aux ordonnances pour aller vite en ayant une idée claire. Ici c’est tout l’inverse en ouvrant des concertations avec des idées floues.

Certes la Ministre s’est engagée à associer les parlementaires à la rédaction des ordonnances et à la présenter devant le Parlement. Ce sont des vœux pieux tout à fait louables mais ils n’engagent qu’elle et non un éventuel successeur.

Espérons que l’abus d’ordonnances ne nuise pas à la santé…

  1. Un projet pas à la hauteur des enjeux.

4 points notables sont absents de ce projet de loi :

  • Une vision stratégique de la prévention
  • Un travail sur la revalorisation et l’attractivité des métiers
  • Une réflexion sur la recherche
  • Des propositions sur le statut des Centres Hospitaliers Universitaires

La question de l’accès aux soins demeure une préoccupation majeure. Il existe un sentiment croissant d’abandon dans des territoires.

Moins de 15% des étudiants en médecine à leur sortie des études décident de s’installer. Ce manque d’attractivité pour la médecine libérale aurait dû appeler des mesures fortes pour revaloriser ce choix. Nous avons besoin de généralistes qui s’installent durablement dans nos territoires. Or ce projet ne relève pas ce défi de revaloriser la médecine générale libérale, d’apporter un appui aux professionnels de santé de ville. Il faut donner envie aux futurs médecins de s’installer…

  1. Une mise en œuvre floue.

La réforme tant attendue du premier cycle des études de santé modifie le mode d’accès aux études médicales, pharmaceutiques, odontologiques et maïeutiques en assouplissant le numerus clausus déterminant l’accès en deuxième année de premier cycle, et en permettant l’accès à ces études à partir de voies diversifiées. Il appartiendra aux universités et aux agences régionales de santé de déterminer le nombre de médecins formés.

Mais le projet de loi reste assez flou et sa mise en œuvre est prévue par décret.

La sélection aura lieu à la fin de la troisième année de licence, avant d’intégrer un second cycle d’approfondissement. Il ne s’agira pas d’un concours a priori, mais les modalités d’examen doivent encore être déterminées, sans que l’on sache précisément qui sera décisionnaire.

Ce flou est inquiétant. Les modalités de passage d’une année à l’autre ne sont absolument pas claires.

Par quoi la PACES sera-t-elle remplacée ? Y aura-t-il une nouvelle forme de sélection ? Sur quoi reposera le classement pour les choix de spécialité en 3ème cycle ? Comment ceux qui auront suivi les deux premiers cycles hors de France intègreront-ils le futur troisième cycle ? Comment seront classés les futurs internes ? Là encore nos questions restent en suspens.

Rien n’a été à ce jour prévu pour les universités afin que celles-ci puissent s’adapter à l’arrivée des nouveaux élèves alors que la plupart des amphithéâtres atteignent déjà leur maximum de capacité d’accueil sans parler des lieux et des maîtres de stages.

Cette réforme semble aller dans le bon sens mais, une fois de plus, il aurait été préférable que le Gouvernement présente au Parlement un projet de réforme des études pleinement abouti et claire or la méthode d’évaluation ne l’est pas.

  1. Des mesures à l’encontre des attentes pour dynamiser la médecine libérale dans les territoires.

Le projet renforce le rôle des Agences Régionales de Santé (ARS) et des Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT). Ainsi le projet de gouvernance des communautés de professionnelles territoriales de santé (CPTS) sera désormais soumis à l’approbation du directeur général de l’ARS.

Le projet crée une commission médicale d’établissement globale de GHT dont on ne connaît pas l’étendue du pouvoir. Or, cela revient à concentrer le pouvoir hospitalier dans une nouvelle gouvernance étatique et infrarégionale tant et si bien que l’exigence de proximité est remplacée par la vision technocratique redoutée par les professionnels de santé, les élus et les patients.

Le projet de loi tend à ajouter de la lourdeur administrative.

Le projet prévoit une « gradation des soins ». Espérons que cela ne cache pas une gradation des territoires. Les hôpitaux transformés en « établissements de proximité » n’exerceront pas d’activité de chirurgie ou d’obstétrique. On peut regretter ce cadre rigide ne permettant pas une adaptation sur les territoires. Pire, le risque est d’aboutir à des établissements qui ne correspondent pas aux besoins des territoires.

Il semble que le Gouvernement envisage de mettre les « établissements de proximité » sous la tutelle des GHT. Ce n’est pas en procédant ainsi que cela va faciliter les coopérations entre la médecine de ville et l’hôpital perdant encore davantage d’autonomie.

Le résultat : des hôpitaux de proximité sans autonomie et des CPTS sous tutelle. Cette suradministration de la médecine risque d’étouffer encore davantage les initiatives locales. Les coopérations efficaces en matière de santé sont pourtant celles qui viennent des professionnels eux-mêmes.

Enfin, concernant la création de la plateforme des données de santé, il aurait sûrement été préférable d’attendre que la France se dote d’un cadre éthique et d’une philosophie sur le cadre général de l’utilisation des données de santé avant de légiférer une deuxième fois en 3 ans sur leur utilisation pratique.

Espérons que la future loi de bioéthique ne se borne pas simplement à valider ce qui aura été voté avant sans mener une réflexion de fond à ce sujet.

 

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