Budget 2021 – Travail et emploi
Retrouvez ci-dessous le texte et la vidéo de mon intervention à la tribune de l’assemblée nationale comme rapporteur spécial de la commission des affaires sociales suppléant de mon collègue Gerard CHERPION, pour la mission budgétaire « travail et emploi ».
“Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Madame la Rapporteure spéciale,
Mes chers collègues,
- Je vous prie d’excuser notre collègue Gérard Cherpion, qui n’a pu être présent ce soir parmi nous. Il m’a demandé de le remplacer pour porter en séance publique l’avis de la commission des Affaires sociales sur les crédits de la mission Travail et emploi.
- La discussion du projet de loi de finances pour 2021 intervient dans une période dramatique au niveau sanitaire, économique et social.
Face à cette situation et à la nécessité pour le Gouvernement de prendre des mesures sous le sceau de l’urgence, l’exercice annuel d’autorisations d’engagement des dépenses par le Parlement perd de son sens : les annonces de nouvelles dépenses engagées par le Gouvernement, exprimées en milliards, ne semblent plus conditionnées à une approbation parlementaire préalable.
Il s’agit de limiter les conséquences de la crise sanitaire en préservant l’emploi. Si l’on peut saluer l’augmentation des crédits de paiement en hausse de 400 millions, portant ainsi le budget de la mission Travail et emploi à 13,38 milliards d’euros, force est néanmoins de constater que ce budget reste inférieur de près de 2 milliards d’euros à celui de 2018.
Aussi, nous nous interrogeons sur les conditions d’équilibre du budget et la continuité de l’effort pour les budgets à venir. Le budget du plan de relance s’ajoute à celui de la mission travail & emploi pour un montant de plus de 10 milliards d’euros ;
- Or, l’activité partielle est intégralement financée par le plan de relance, y compris l’activité partielle préexistante. On peut légitimement s’interroger sur le financement, par le budget, de l’activité partielle dans le prochain PLF.
- A contrario, cette forte augmentation du budget de l’Insertion par l’activité économique dans ce PLF est bien intégrée dans la mission travail et emploi, ce que nous saluons et considérons comme un engagement pérenne du Gouvernement.
- Madame la Ministre, les débats en commission des Affaires sociales ont cependant laissé subsister au moins 6 questions sans réponse.
- Premièrement, Sur les moyens du service public de l’emploi, et notamment les crédits versés à Pôle emploi, l’État poursuit son désengagement à hauteur de 130 millions d’euros cette année, tout en versant deux subventions exceptionnelles financées sur les crédits du plan de relance.
Rendre Pôle emploi toujours plus dépendant des ressources de l’assurance chômage, pose de nouvelles difficultés à l’opérateur dès lors qu’est arrivé le retournement de l’activité : la baisse de ses ressources coexiste avec la hausse des demandeurs d’emploi à accompagner. Gérard Cherpion l’avait souligné dans son rapport de l’année dernière.
- Deuxièmement, du fait de la réforme, le financement de la formation professionnelle est mis en péril. Celui-ci est confronté à un déséquilibre structurel de financement, mis en lumière par un rapport rendu en février dernier sur les finances de France Compétences. À celui-ci s’ajoute désormais une baisse de ses recettes assises sur la masse salariale. Certes le plan de relance prévoit une dotation exceptionnelle de 750 millions d’euros, mais à la condition que France compétences fasse adopter par son conseil d’administration un budget 2022 en équilibre. Mais c’est mission impossible pour deux raisons Madame la Ministre : le paiement obligatoire des engagements du Compte Personnel de Formation d’une part ; et d’autre part les difficultés qu’engendreraient la baisse du coût contrat de l’apprentissage pour les organismes de formation. France compétences ne pourra donc pas remplir sa mission sans procéder à un emprunt et à un renforcement supplémentaire de ses équipes.
- Troisièmement, vous avez mis en place des dispositifs de prime à l’embauche pour un grand nombre de publics : apprentis, publics jeunes, travailleurs handicapés, … Si ces primes ont eu un effet indéniable pour faciliter l’embauche immédiate, ces dispositifs prenant fin en mars 2021, on peut légitimement s’interroger sur la rentrée 2021 où ces mêmes publics risquent de rencontrer des difficultés pour trouver un employeur.
- Quatrième, par ailleurs, vous proposez d’augmenter l’aide financière prévue dans le cadre des emplois francs pour recruter un actif résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville. Cependant, ce dispositif n’a pas rencontré son public, notamment du fait du manque de lisibilité pour les employeurs locaux. Revaloriser la prime ne suffira pas à rendre ce dispositif plus incitatif, alors qu’il faudrait traiter en priorité la question de la condition d’accès à l’emploi de ces publics. Pourquoi ne pas étendre l’accès à ce dispositif à des zones moins denses dont le taux de chômage était supérieur à la moyenne nationale avant la crise ? Je pense par exemple au bassin de Lunéville ou de Saint-Dié cher à notre collègue Gérard Cherpion.
- Cinquième, le Gouvernement a annoncé une augmentation de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle.
Le coût de cette mesure, appréciable, est estimé à 191 millions d’euros pour la mission Plan de relance. Cependant, elle va entraîner une hausse des dépenses de rémunération à la fois pour les régions et pour Pôle emploi, dont la compensation n’est pas inscrite en loi de finances. C’est un problème non seulement de financement mais aussi de méthode. D’une manière plus générale, le plan de relance laisse à l’écart les régions, qui seraient prêtes à jouer un rôle de pilotage de la formation professionnelle des demandeurs d’emploi, conformément à un engagement du Gouvernement qui n’est toujours pas mis en œuvre.
- Enfin, sixièmement, quel sort le Gouvernement entend-t-il donner au projet de loi ratifiant diverses ordonnances prévues par la loi du 5 septembre 2018 et portant diverses mesures d’ordre social ? Question restée sans réponse lors de l’examen en commission.
S’il faut saluer l’augmentation des crédits de la mission Travail et Emploi, parce qu’ils sont abondés par le Plan de Relance, il est à redouter de grandes difficultés si les questions structurelles de financement de la formation professionnelle ne sont pas rapidement résolues.
Nous espérons Madame la Ministre que vous nous apporterez les réponses attendues car il en va de l’emploi en France.”