PLFSS 2024 – Discussion générale – Séance du 24 octobre 2023
Retrouvez ci-dessous la vidéo de mon intervention à la tribune de l’hémicycle de l’Assemblée Nationale lors de la discussion générale lors de la séance du mardi 24 octobre 2023 sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 :
« Madame et Messieurs les ministres,
Madame la rapporteure générale, Madame la Présidente de commission,
Mes chers collègues,
En complément des propos de mon collègue Yannick NEUDER, je souhaite interroger le gouvernement sur deux points du PLFSS pour 2024 pour lesquels je constate un écart entre le discours tenu aujourd’hui et les actes budgétaires.
Tout d’abord, je veux revenir sur l’Agirc Arrco.
Monsieur le Ministre, vos propos semblent en contradiction avec le message délivré ce matin par l’Elysée.
Ma question est claire : renoncez-vous définitivement à ponctionner l’Agirc-Arrco non seulement aujourd’hui mais aussi demain par 49-3 et dans les semaines qui viennent jusqu’à l’adoption définitive de ce PLFSS pour 2024 ?
Car si vous persistez à faire payer aux salariés du privé le financement de mesures que vous avez rajoutées sans concertation au PLFSS rectificatif de janvier dernier, ce sera un hold-up scandaleux, une ponction profondément illégitime.
Aussi, au moment où le dialogue avec les partenaires sociaux est affaibli et où la confiance des actifs dans l’avenir de notre système de retraite est profondément abimée, notre pays n’a pas besoin d’une telle manipulation de fonds de caisse.
Au-delà de la confiance, je suis convaincu que la pérennité de notre système par répartition passera non seulement par le travail et la création de valeur, mais aussi par le renouvellement des générations.
Ce qui m’amène au deuxième sujet pour lequel je souhaite vous interroger : la politique familiale.
L’Union nationale des associations familiales (UNAF) alerte sur la revalorisation insuffisante des prestations familiales prévues à ce PLFSS pour 2024 alors que les familles en charge d’enfants sont durement frappées par l’inflation.
Ainsi, d’après les données de l’UNAF), en août 2022, il fallait à un couple et deux enfants 191 € de plus qu’en août 2021 pour vivre décemment pendant un mois.
Or, avec un niveau d’inflation s’étant maintenu à près de 6% entre août 2022 et août 2023, cette tendance s’est encore aggravée.
La hausse affichée sur la branche famille de plus de 2 Milliards pour 2024 ne saurait faire oublier la ponction subie en 2023 de 2 Milliards.
Si la conjoncture économique actuelle participe évidemment à la dégradation de la situation des familles de notre pays, elle ne peut servir de bouc émissaire à l’inaction des gouvernements successifs d’Emmanuel Macron.
En effet, loin de revenir sur les mesures néfastes adoptées sous François Hollande, votre majorité les a confirmées en actant :
– La remise en cause de l’universalité de la politique familiale en mettant sous conditions de ressources les allocations familiales ;
– La diminution du quotient familial de 834 euros.
Ces deux seules mesures ont, d’après la Cour des comptes, fait peser sur les familles qui travaillent dur « un effort total proche de 3,3 Md€, soit en perte ou en réduction de prestations (1,55 Md€), soit en augmentations d’impôt sur le revenu (1,7 Md€) ».
Or, l’expérience montre que ce sont les familles de classe moyenne qui ont été le plus concrètement touchées.
Plus encore, depuis 2017, Emmanuel Macron et sa majorité ont conduit une politique de pénalisation systématique des familles. Ainsi :
– En 2018, vous avez raboté la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) pour un montant allant jusqu’à près de 546 euros pour un couple dont chaque parent travaille pour un revenu équivalent au SMIC ;
– En 2020, vous avez supprimé la majoration de l’indemnité journalière en cas de maladie pour les parents de trois enfants et plus, ce qui représente une perte de 33 % ;
– Depuis 2018, vous avez divisé par deux sur 95 % de notre territoire la quotité finançable du prêt à taux zéro (20% au lieu de 40%) – PTZ – pour toutes les familles de classe moyenne qui aspirent à devenir propriétaires et à offrir un foyer adapté à leurs enfants.
Ces facteurs matériels jouent pourtant un rôle essentiel dans la réalisation du désir d’enfant des familles selon l’observatoire des familles UNAF/CNAF.
Les mauvais résultats de votre politique sont là. En 2022, seulement 723 000 enfants sont nés en France, soit le plus faible nombre de naissances depuis l’après-guerre.
D’après l’Insee, le taux de natalité a même continué de baisser au premier semestre de 2023, à hauteur de 7%, portant notre solde naturel à son niveau le plus bas depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Pourtant, la dernière étude de l’institut KANTAR relative au désir d’enfant (2020) a démontré une grande stabilité, sur les dix dernières d’années, dudit désir qui s’établit à 2,39 enfants au moment où le taux de fécondité par femme est tombé à 1,76 enfant en 2022.
Cependant, ce constat n’est en rien une fatalité. Comme l’a écrit le démographe Dumont : « pour relancer la natalité, il suffit de revenir à ce qui a fait le succès de notre politique familiale pendant des décennies : son universalité. ».
C’est précisément ce que nous attendions Madame la Ministre à la suite de vos déclarations prometteuses.
Mais la déception est immense à la lecture du projet qui nous est soumis.
Madame la Ministre, vous dites que la politique familiale ne saurait devenir une politique de redistribution. Mais c’est tout le contraire que vous portez avec votre majorité ces dernières années.
Vous dites vouloir lutter contre la baisse de la natalité en accompagnant toutes les familles. Mais vous avez concentré l’évolution de la réforme du complément mode de garde en le réservant aux familles monoparentales.
Vous dites vouloir réformer le congé parental. Mais il n’y aucun article dans ce PLFSS, comme le déplore l’UNAF. En fait, vous procrastinez sur le sujet en évoquant un groupe de travail alors que nous portons depuis longtemps une proposition solide pour qu’il soit mieux choisi, mieux rémunéré.
Le PLFSS pour 2024 est un rendez-vous manqué pour les familles. Le compte n’y est pas.
Il y a pourtant urgence. Quand allez-vous enfin vraiment soutenir toutes les familles qui travaillent ? Quand allez-vous enfin rétablir une véritable politique familiale ?
Monsieur et Madame les ministres, revoyez s’il vous plaît votre copie. »