Mes interventions dans le cadre des débats sur la proposition de loi relative à l’aide à mourir – Légalisant l’euthanasie et le suicide assisté
« Les Pays-Bas ont autorisé l’euthanasie aux mineurs, alors que eux aussi avaient initialement posé des critères éthiques en apparence […] est-ce que finalement les critères ont vocation à évoluer irrémédiablement une fois qu’on a ouvert la porte ? Plusieurs personnes auditionnées ont dit très clairement « cette proposition de loi n’est qu’une étape qui en appellera d’autres. Et cela m’inquiète. » »
« S’il y a bien un combat qui doit nous rassembler c’est celui des moyens budgétaires pour les soins palliatifs, il faut aussi des ressources humaines et des personnes formées […] c’est une fausse liberté : elle aurait aimé [accéder aux soins palliatifs], elle le demande, mais elle n’y a pas accès. »
« On peut regretter que ces critères cumulatifs ne soient pas plus stricts, au moins autant que pour l’accès à la sédation profonde et continue. Le champs des personnes potentiellement concernées est très vaste : une personne en phase avancée d’une maladie grave et incurable souffrant uniquement psychologiquement pourrait accéder à la mort provoquée […] Il ne s’agira pas uniquement de personnes en fin de vie […] Notre liberté est-elle totale et éclairée quand on souffre de dépression ? »
« La question de l’accès aux traitements adaptés et aux soins doit être garantie et on doit le mettre dans les critères »
« Pour les personnes protégées [i.e. sous tutelle ou curatelle, il n’est pas prévu d’obliger la saisine du juge des tutelles, seulement une faculté […] en cas d’accord pour la demande, il n’y aura que la personne qui l’aura demandée qui pourra formuler un recours ! […] Selon l’article 459 du code civil, l’état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule pour elle-même une décision éclairée. […] on a besoin de garanties, à ce stade la procédure ne les présente pas »
« Il faut défendre une approche qui n’est pas plus inhumaine que celle vous défendez, monsieur le rapporteur général, madame la ministre, mais bien au contraire très humaine, fondée sur l’écoute, sur la solidarité et le refus de l’abandon. »
« Dans les pays où cette pratique existe, on constate les traumatismes dont souffrent les soignants. Or il faut prendre soin d’eux. […] la demande se fait sans témoins, sans trace écrite et pas de recours possible [la procédure prévue] n’est pas à la mesure de la gravité de l’acte létal qui est irréversible. »
« Or la demande de mort est parfois un appel à l’aide : ce que souhaitent certains patients, ce n’est pas l’administration d’une substance létale, c’est de l’accompagnement et des soins adaptés. […] la demande se fait sans témoins, sans trace écrite et pas de recours possible [la procédure prévue] n’est pas à la mesure de la gravité de l’acte létal qui est irréversible. »
« Même l’avis des deux à trois personnes prévues ne lie pas le médecin chargé [d’examiner la demande d’euthanasie ou de suicide assisté] : plus d’avis écrit, plus de recueil de l’avis de la personne de confiance si elle existe, la personne chargée de la protection ne participe pas, cela peut toujours se faire en visio, [il n’est pas sûr que les professionnels] verront le patient, et la décision est prise par le seul médecin. »
« Ce qui m’inquiète dans vos amendements, qui se répètent, c’est votre volonté d’aller encore plus loin en assouplissant un des critères qui n’a pourtant rien d’anodin – vous l’avez d’ailleurs souligné, monsieur le rapporteur général, madame la ministre : être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée. »
« On a des personnes qui sont en souffrance [mais] l’intention n’est pas du tout la même que dans la sédation profonde et continue [car avec celle-ci] l’intention n’est à aucun moment de provoquer ou d’accélérer la mort. Cette question est fondamentale dans le rapport si singulier soignant-soigné. »
« Il me semble important de préciser que les personnes en situation de handicap doivent bénéficier d’une information spécifique, notamment relative aux conditions de vie et aux possibilités d’accompagnement. »
« De même qu’il faut garantir l’accès aux soins palliatifs, la prise en charge en matière de santé mentale doit être satisfaisante. »
« Il n’existe aucun critère médical universellement applicable pour définir l’irréversibilité d’une trajectoire clinique, surtout dans les pathologies qui nous intéressent (chroniques, neurodégénératives, évolutives, métaboliques) […] le législateur laisse la voie ouverte à des interprétations subjectives potentiellement influencées par la pression de l’entourage ou par une évaluation médico-sociale biaisée. […] certains nous disaient que ce n’est que pour les personnes qui n’ont que quelques heures à vivre, mais ce n’est plus du tout le cas, on n’est plus sur le court-terme. »
« ’Une telle pathologie » par « en termes de santé mentale, il y a une vulnérabilité particulière des personnes atteintes de maladies psychiatriques [surtout quand on sait que l’un des critères est l’expression d’une volonté libre et éclairée] »
« [choisir] la date de sa mort : comment être sûr que la personne ne change pas d’avis d’ici là, n’existe-t-il pas un risque que la personne malade n’ose plus remettre en question sa décision, faire perdre du temps aux professionnels de santé ou être un poids ? […] Il est fréquent que des malades changent d’avis selon leur état d’esprit, la qualité des soins et de l’accompagnement qu’ils reçoivent […] Cela ne concerne pas que la personne elle-même, ça concerne notre société, le rapport qu’on a aux personnes qui décèdent et l’impact sur ceux qui vont rester après. » »
« Est-ce qu’on ne peut pas avoir au moins un droit absolu et préalable à être écouté et accompagné par tout moyen ? […] Nous voulons faire perdurer une certaine éthique de la vulnérabilité et ne pas tout abandonner à une éthique absolue de l’autonomie. »
« Rendez-vous compte : c’est le pro de santé qui voit sans témoin la personne qui demande, la procédure peut se faire en quatre jours, les autres professionnels ne sont pas tenus devant la personne qui demande, pas de trace écrite de leurs avis, pas de recours possible à partir du moment où il y a un accord : un vrai contrôle c’est un contrôle indépendant. […] C’est un nouvel exemple de faux-semblant : vous nous avez servi le faux-semblant de collège, le faux-semblant de recours, et à présent, c’est le tour du faux-semblant de contrôle ! »
« Vous créez un délit d’entrave pour toute autre réponse que la solution de facilité que représente l’abandon de celui ou celle qu’on a privé de soins, que l’on n’a pas accompagné et que l’on autorise à nous quitter en seulement quatre jours. Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne solution et cela m’inquiète profondément. »
« Vous n’avez pas voulu de nos amendements visant à ce que le recours à l’aide à mourir ne puisse en aucun cas être la conséquence d’un défaut de notre système de protection sociale – par exemple lorsqu’est empêchée la prise en charge en soins palliatifs pourtant requise par l’état de santé du patient. »
« Je ne sais pas d’avance quel sera l’impact de cette loi, ni même combien de personnes elle concernera, mais ce risque n’est pas à négliger et je me devais de vous répondre. »
« Compte tenu des risques que j’ai signalés tout au long des débats, et surtout par cohérence avec ce que je défends, c’est-à-dire le fait que la légalisation de l’aide à mourir ne constitue pas la bonne réponse, je ne souhaite pas que cet acte soit pris en charge par la sécurité sociale. »
« Or, on l’a vu, le pronostic vital de certaines des personnes qui souhaiteraient demander l’administration d’une substance létale, c’est-à-dire qui tue, ne sera pas forcément engagé à court terme. Elles n’auront pas forcément non plus bénéficié des soins palliatifs : le texte dispose que le médecin s’assure qu’ils leur sont proposés et qu’elles y ont accès de manière effective, mais nous n’avons pas tiré toutes les conséquences de ces phrases. »