Intervention de Thibault BAZIN – Audition de M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, sur le rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale

Intervention de Thibault BAZIN – Audition de M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, sur le rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale

28 mai 2025 Commission - santé 0

Retrouvez en vidéo mon intervention en commission des affaires sociales lors de l’audition de M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, sur le rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.

« Monsieur le président,

Monsieur le Premier président,

Mes chers collègues,

Je vous remercie pour la présentation de ce rapport. La Cour des comptes dresse un tableau alarmant de la situation financière de la sécurité sociale en 2024 et 2025. Le déficit des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse a atteint 15,3 Md€ en 2024 et devrait encore s’aggraver pour dépasser 22 Md€ en 2025. Ce déficit est particulièrement préoccupant car les prévisions pour 2025 reposent sur des hypothèses de croissance et de reprise de l’emploi jugées optimistes par la Cour. Cela laisse craindre que le déficit réel puisse se révéler encore plus élevé si ces hypothèses ne se concrétisaient pas.

La branche maladie concentre l’essentiel de ce déficit, près de 90 % en 2024, tandis que la branche vieillesse voit également sa situation se détériorer, malgré la réforme de 2023.

Le rapport met aussi en lumière l’accumulation préoccupante de la dette sociale qui découle de ces déficits non maîtrisés. La dette portée par l’Acoss – qui regroupe la dette à court terme de la sécurité sociale– devrait fortement progresser pour dépasser 110 Md€ en 2028. Au total, la dette sociale consolidée atteindra 180 Md€ en 2028 si aucune mesure de redressement structurel n’est engagée.

La Cour souligne que ce phénomène est alimenté par un effet « boule de neige » : les déficits chroniques de la branche maladie et l’alourdissement des dépenses de la branche vieillesse conduisent à un recours accru aux avances de trésorerie de l’Acoss, qui génèrent à leur tour des charges d’intérêts et aggravent encore la dette. Ce cercle vicieux menace non seulement la soutenabilité à long terme de notre système de protection sociale, mais l’expose à ce que vous appelez un « risque de liquidité ».

Monsieur le Premier président, ma première question est la suivante : sur quels critères objectifs la Cour se fonde‑t‑elle pour considérer qu’un endettement supérieur à 70 Md€ pourrait poser un problème de liquidité pour l’Acoss et menacer sa capacité à faire face à ses engagements à court terme ? Y-a-t-il eu des alertes particulières de la part de l’Acoss ou des marchés financiers quant à ce seuil que vous évoquez dans votre rapport ? Pourriez-vous préciser vos propos sur la taille des marchés ?

Pour rompre cette dynamique, la Cour appelle à des mesures urgentes et ambitieuses. Je ciblerai mes questions sur cinq sujets précis.

1) Sur la question des allègements généraux, la Cour relève la nécessité de mieux encadrer les allègements généraux de cotisations sociales et de clarifier la compensation des pertes de recettes par l’État. Vous estimez que, depuis 2019, la sous-compensation des allègements généraux par l’État a contribué à accroître la dette sociale d’environ 18 Md€. Monsieur le Premier président, quelles pistes concrètes préconisez-vous pour un pilotage plus précis et une meilleure évaluation de ces dispositifs, tout en limitant leur incidence réelle sur l’emploi ? Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par mieux calibrer le plafond et l’assiette de calcul ?

2) Sur le sujet du cumul emploi-retraite : la Cour souligne dans son rapport que la réglementation française du cumul emploi-retraite apparaît plus accommodante et moins restrictive que celle des autres pays comparables, mais qu’elle génère des coûts élevés et des incohérences. Avez-vous estimé précisément ces coûts et, j’ajoute, au regard des cotisations versées par ces retraités actifs ? Considérez-vous qu’une simplification et une clarification des règles, plutôt qu’un durcissement, permettraient de préserver les avantages économiques et sociaux du cumul emploi-retraite tout en réduisant son coût pour les régimes de retraite ?

4) Il ressort du chapitre X, consacré à un premier bilan de la création de la branche autonomie, que la réforme est encore inaboutie sur de nombreux aspects. Je suis particulièrement interpellé par les constats relatifs à la non-consommation des crédits, quand on connaît les besoins de financement du secteur. La CNSA semble avoir de grandes difficultés à obtenir des remontées de données fiables et en temps réel de la part de ses partenaires – ARS et départements – et n’est dès lors pas en mesure de piloter finement ses dépenses. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Comment cet enjeu s’articule-t-il avec la recommandation de la Cour relative à une clarification des compétences entre CNSA, ARS, départements, selon la logique du « financeur‑décideur » ?

5)  Enfin, et j’en terminerai par-là, la Cour évoque les risques de fragilisation du modèle de la pharmacie d’officine. Vous constatez notamment que la financiarisation du modèle officinal, via le développement des sociétés de participations financières de profession libérale (SPFPL), fragilise l’indépendance des pharmaciens titulaires. Quelles pistes concrètes la Cour recommande-t-elle pour renforcer les contrôles sur les participations financières et garantir la transparence des prises de participation, notamment dans les zones rurales où l’accès aux soins est déjà fragile ? Vous avez évoqué les ordres, mais auront-ils les données et les outils pour renforcer effectivement les contrôles ? Faut-il faire évoluer notre arsenal législatif ? »

Laisser un commentaire