Explications de vote du député Thibault BAZIN au congrès contre la réforme de la constitution souhaitée par le Président de la République
Je m’interroge sur la nécessité de modifier notre constitution alors qu’il n’y a pas de risque avéré en France de revirement du Conseil Constitutionnel sur la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse dans le cadre législatif actuel. La France n’est pas les Etats-Unis. Aucun groupe parlementaire ici souhaite supprimer cette liberté. C’est à mon sens une erreur d’importer des questions de l’étranger qui ne se posent pas ici. D’ailleurs, si des entraves particulières existaient en France, comment expliquer que le recours effectif n’a jamais été aussi important avec près de 234 000 interruptions volontaires pratiquées en 2022, soit 17000 de plus qu’en 2021 et 7000 de plus qu’en 2019 ? La question ici n’est pas d’être pour ou contre l’IVG, mais faut-il l’inscrire dans la constitution et le cas échéant, est-ce pour en faire un droit absolu sans conditions ?
Peut-être cela relève davantage du symbole ? Mais Simone VEIL en 2008 elle-même avait refusé d’inscrire des dispositions de portée purement symbolique. Sinon il faudrait y inscrire d’autres principes qui bénéficient aujourd’hui d’une protection juridique équivalente.
N’est-ce pas un peu superflu alors que notre temps et notre énergie devraient se concentrer sur les problèmes actuels que rencontre la France ? Ne vaudrait-il pas mieux s’atteler à des modifications, elles nécessaires, de la Constitution pour retrouver notre souveraineté sur des sujets qui préoccupent nos concitoyens dans leur quotidien ? Ne vaudrait-il pas mieux par exemple de s’atteler à la crise agricole, ce qui nécessiterait de revenir sur des surtranspositions législatives ?
Ces questions étant posées, la loi VEIL se veut un équilibre fragile qui repose sur la conciliation entre la liberté de la femme et la protection de l’enfant à naître. Il ne faut pas renoncer à cette recherche d’équilibre.
Or, la formulation choisie par le gouvernement semble insuffisamment précise car l’emploi du terme de « garantie » engendre certaines incertitudes. Est-ce que cette garantie serait relative ou absolue ? La loi VEIL a prévu un encadrement éthique de cette liberté car toute liberté a ses conditions et ses limites. La formulation envisagée pourrait-elle remettre en cause cet équilibre recherché par Simone VEIL ?
Voici les questions que je me pose et qui m’amènent à ne pas soutenir cette modification de la constitution inutile et inopportune, relevant davantage d’une opération de communication du Président de la République. Mais à quel prix et pour quel impact ?